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AUX MAGISTRATS.

le printemps par les gens de la ville ; mais, dans nos provinces septentrionales, nous ne connaissons du printemps que le nom.

C'est donc à vous à décider si la différence du sol n'exige pas une différence dans les lois, et si cet objet n'est pas essentiellement lié à la police générale, dont vous êtes les premiers administrateurs [1].


SECONDE PARTIE.


DES FÊTES.


Venons à nos travaux pour les jours de fêtes.

Nous vous avons demandé la permission de vivre, nous vous demandons la permission de travailler, La sainte Église nous recommande d'assister au service divin le dimanche et les grandes fêtes. Nous prévenons ses soins, nous courons au-devant de ses institutions : c'est pour nous un devoir sacré ; mais qu'elle juge elle-même si, après le service de Dieu, il ne vaut pas mieux servir les hommes que d'aller perdre notre temps dans l'oisiveté, ou notre raison et nos forces dans un cabaret [2].

  1. Il n'y a pas longtemps qu'à Paris on était forcé, pendant le carême, d'acheter la viande à l'Hôtel-Dieu, qui, en vertu de ce monopole, la vendait à un prix excessif. Le carême était un temps de misère, et presque de famine, pour les artisans et la petite bourgeoisie. Cet abus ridicule a été détruit en 1775 par M. Turgot, Croirait-on que, dans la canaille ecclésiastique, il se soit trouvé des hommes assez imbéciles et assez barbares pour s'élever contre un changement si utile à la partie la plus pauvre du peuple ? (K.)
  2. Défendre à un homme de travailler pour faire subsister sa famille est une barbarie ; punir un homme pour avoir travaillé, même sans nécessité, est une injustice. Les lois sur la célébration des fêtes sont un hommage rendu par la puissance civile à l'orgueil et au despotisme des prêtres. On prétend qu'il faut au peuple des jours de repos ; mais pourquoi ne lui pas laisser la liberté de les choisir ? Pourquoi le forcer, à certains jours, de se livrer à l'oisiveté, à la débauche, suite nécessaire de l'oisiveté d'un grand nombre d'hommes grossiers réunis ? Si l'on eût fixé le dimanche pour le jour où tous les tribunaux, toutes les audiences des gens en place, toutes les caisses publiques, seraient ouverts aux peuples, où ils pourraient s'assembler pour les affaires communes, où les lois du prince leur seraient annoncées, où tous les actes dont il est important d'instruire les citoyens seraient publiés ; ces jours deviendraient nécessairement des jours de repos et de fêtes pour tous ceux qui ne seraient point obligés de travailler ou de s'occuper d'affaires. Quant aux règlements qui défendent certaines choses pendant le service divin, et les permettent à d'autres heures ; tolèrent qu'on vende des petits pâtés, et ne tolèrent pas qu'on porte un habit en ville ; veulent qu'on demande permission à un prêtre ou à un magistrat pour couper ses blés ; exigent qu'on n'use de cette permission qu'après avoir été à la messe : ils seraient la preuve de la superstition la plus abjecte, si l'argent qui en revient aux magistrats subalternes n'obligeait pas d'y supposer des vues plus profondes. (K.)