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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome28.djvu/366

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356 AU ROI

jours vécu avec leur père dans la même maison et à la même table. Alors tout appartient aux moines. Le bien d'un habitant du Mont-Jura, mis entre les mains d'un notaire de Paris, devient dans Paris même la proie de ceux qui, originairement, avaient embrassé la pauvreté évangélique au 3Iont-Jura. Le fils demande l'aumône à la porte de la maison que son père a bâtie, et les moines, bien loin de lui donner cette aumône, s'arrogent jus- qu'au droit de ne point payer les créanciers du père, et de regar- der comme nulles les dettes hypothéquées sur la maison dont ils s'emparent. La veuve se jette en vain à leurs pieds pour obtenir une partie de sa dot : cette dot, ces créances, ce bien paternel, tout appartient de droit divin aux moines. Les créanciers, la veuve, les enfants, tout meurt dans la mendicité.

L'esclavage réel est celui qui est affecté à une habitation. Qui- conque vient occuper une maison dans l'empire de ces moines, et y demeure un an et un jour, devient leur serf pour jamais. Il est arrivé quelquefois qu'un négociant français, père de famille, attiré par ses affaires dans ce pays barbare, y ayant pris une maison à loyer pendant une année, et étant mort ensuite dans sa patrie, dans une autre province de France, sa veuve, ses en- fants, ont été tout étonnés de voir des huissiers venir s'emparer de leurs meubles, avec des paréatis, les vendre au nom de saint Claude, et chasser une famille entière de la maison de son père.

L'esclavage mixte est celui qui, étant composé des deux, est ce que la rapacité a jamais inventé de plus exécrable, et ce que les brigands n'oseraient pas même imaginer.

Usurpateurs de Saint-Claude, montrez- nous donc vos titres ; montrez-nous le privilège que le bienheureux Benoît et le bien- heureux saint Claude vous ont donné de vous nourrir des pleurs et du sang de la veuve et de l'orphelin.

Si vous n'avez pas de lettres patentes des saints, faites-nous voir au moins celles des rois. Si vous en avez de fabriquées chez vous, ouvrez vos archives ; confrontons vos pièces avec les pièces que nous avons tirées de vos archives mêmes. Nous ne vous combattrons qu'avec vos propres armes, et le roi verra sur quoi vous vous fondez pour régner en tyrans sur ses sujets, qu'il ne gouverne qu'en père.

Nous n'adressons ces justes plaintes qu'aux moines : ce n'est pas le chapitre qui a inventé cette oppression ; il l'a trouvée éta- bhe. Nous le conjurons au nom de Jésus-Christ, notre père com- mun, de s'en désister. Jésus-Christ n'a pas ordonné aux apôtres de réduire leurs frères à l'esclavage.

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