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DISCOURS

et n’adore pas les autres dieux » ? Il y a des peines ordonnées par tous les peuples contre ceux qui violent ces lois. Chez certaines nations ces peines sont plus sévères que chez les Juifs ; chez d’autres elles sont les mêmes que parmi les Hébreux : quelques peuples en ont établi de plus humaines.

Mais considérons ce passage : « Tu n’adoreras point les dieux des autres nations. » Ce discours est indigne de l’Être suprême, qui devient, selon Moïse, un dieu jaloux[1]. Aussi cet Hébreu dit-il dans un autre endroit : Notre Dieu est un feu dévorant[2]. Je vous demande si un homme jaloux et envieux ne vous paraît pas digne de blâme ; comment pouvez-vous donc croire que Dieu soit susceptible de haine et de jalousie, lui qui est la souveraine perfection ? Est-il convenable de parler aussi mal de la nature, de l’essence de Dieu, de mentir aussi manifestement ? Montrons plus clairement l’absurdité de vos opinions. Si Dieu est jaloux, il s’ensuit nécessairement que les autres dieux sont adorés malgré lui : cependant ils le sont par toutes les autres nations. Or, pour contenter sa jalousie, pourquoi n’a-t-il pas empêché que les hommes ne rendissent un culte à d’autre dieu qu’à lui ? En agissant ainsi, ou il a manqué de pouvoir, ou au commencement il n’a pas voulu défendre le culte des autres dieux, il l’a toléré, et même permis. La première de ces propositions est impie, car qui peut borner la puissance de Dieu ? La seconde soumet Dieu à toutes les faiblesses humaines : il permet une chose, et la défend ensuite par jalousie ; il souffre pendant longtemps que toutes les nations tombent dans l’erreur. N’est-ce pas agir comme les hommes les moins louables que de permettre le mal, pouvant l’empêcher ? Cessez de soutenir des erreurs qui vous rendent odieux à tous les gens qui pensent.

Allons plus avant. Si Dieu veut être seul adoré, pourquoi, Galiléens, adorez-vous ce prétendu fils que vous lui donnez, qu’il ne connut jamais[3], et dont il n’a aucune idée ? Je ne sais par

  1. Julien prouve très-bien que la qualité de dieu jaloux déshonore la Divinité. De plus, ce terme de jaloux, marque évidemment que les Juifs reconnaissaient d’autres dieux sur lesquels il voulait l’emporter.

    Si leur dieu était jaloux, il était donc faible, impuissant. On n’est point jaloux quand on a l’empire suprême. Il n’y a rien à répliquer à ce que dit l’empereur Julien. C’est en vain qu’on répond : Dieu est jaloux de nos hommages, jaloux de notre amour. C’est faire de Dieu une coquette qui veut que son amant n’ait point d’autre maîtresse. Mais cette jalousie suppose qu’en effet cette femme a des rivales. Si elle n’en a point, elle est folle de les craindre. (Note de Voltaire.)

  2. Deutéronome, iv, 24.
  3. Jusqu’au temps du fougueux Athanase, on ne reconnut jamais Jésus pour Dieu. On ne lui fait point prononcer ce blasphème dans les Évangiles. Fils de