Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome28.djvu/470

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de pensera quelque partie de nous-mêmes qui subsistera encore, à la bonne heure : je ne veux ni l’affirmer ni le nier ; je n’ai de preuve ni pour ni contre. Mais c’est à celui qui affirme une chose si étrange à la prouver clairement; et comme jusqu’ici personne ne l’a fait, on me permettra de douter.

Quand nous ne sommes plus que cendre, de quoi nous ser- virait-il qu’un atome de cette cendre passât dans quelque créa- ture, revêtu des mêmes facultés dont il aurait joui pendant sa vie? Cette personne nouvelle ne sera pas plus ma personne, cet étranger ne sera pas plus moi que je ne serai ce chou et ce melon qui se seront formés de la terre où j’aurai été inhumé.

Pour que je fusse véritablement immortel, il faudrait que je conservasse mes organes, ma mémoire, toutes mes facultés. Ouvrez tous les tombeaux, rassemblez tous les ossements, vous n’y trouverez rien qui vous donne la moindre lueur de cette es- pérance.

XVIII. — De la métempsycose.

Pour que la métempsycose pût être admise, il faudrait que quelqu’un de bonne foi se ressouvînt bien positivement qu’il a été autrefois un autre homme. Je ne croirai pas plus que Pythagore a été coq que je ne crois qu’il a eu une cuisse d’or.

Quand je vous dis que j’ai des facultés, je ne dis rien que de vrai ; quand j’avoue que je ne me suis point fait ces présents, cela est encore d’une vérité évidente ; quand je juge qu’une cause intelligente peut seule m’avoir donné l’entendement, je ne dis rien encore que de très-plausible, rien qui puisse effaroucher la raison ; mais si un charbonnier me dit qu’il a été Cyrus et Her- cule, cela m’étonne, et je le prie de m’en donner des preuves convaincantes.

XIX. — Des devoirs de f homme, quelque secte qu’on embrasse.

Toutes les sectes sont diiférentes, mais la morale est partout la même : c’est de quoi nous sommes convenus souvent dans nos entretiens avec Cotta et Balbus. Le sentiment de la vertu a été mis par la nature dans le cœur de l’homme, comme un antidote contre tous les poisons dont il devait être dévoré. Vous savez que César eut un remords quand il fut au bord du Rubicon. Cette voix secrète qui parle à tous les hommes lui dit qu’il était un mauvais citoyen. Si César, Catilina, Marins, Sylla, Cinna, ont