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484 LETTRE

bouche. Ainsi, dans cette étrange cause, Timposture atroce et ridicule de la famille éclate de tous côtés pendant la vie de cette femme, et jusque dans les bras de la mort.

3° Il est probable, il est prouvé que le maréchal de camp ne devait pas confier des billets à ordre pour cent mille écus à ce docteur inconnu, pour les négocier, sans exiger de lui une recon- naissance; mais il a commis cette inadvertance, qui est la faute d'un cœur noble; il a été séduit par la jeunesse, par la candeur, et par la générosité apparente d'un homme de vingt-sept ans, prêt à être élevé à la magistrature, qui lui prêtait douze cents francs pour une affaire urgente, et qui lui promettait de lui faire tenir cent mille écus dans peu de jours, par une compagnie opu- lente. C'est là le fond et le nœud du procès. Il faut absolument examiner s'il est probable qu'un homme qu'on suppose avoir reçu près de cent mille écus en or vienne le lendemain matin deman- der en hâte douze cents francs, pour une affaire pressante, à celui-là même qui lui a donné la veille douze mille quatre cent vingt-cinq louis d'or.

Il n'y a là aucune vraisemblance.

Il est encore plus improbal)le, comme on l'a déjà dit, qu'un homme de distinction, un officier général, père de famille, pour récompenser celui qui vient de lui rendre le service inouï de lui prêter cent mille écus sans le connaître, ait par reconnaissance imaginé de le faire pendre; lui qui, supposé nanti de cette somme immense, n'avait qu'à attendre paisiblement les échéances éloignées du payement; lui qui, pour gagner du temps, n'avait pas besoin de commettre le plus lâche des crimes ; lui qui n'en a jamais commis. Certes, il est plus naturel de penser que le petit- fils d'un agioteur fripon et d'une misérable prêteuse sur gages a profité de la confiance aveugle d'un homme de guerre pour lui extorquer cent mille écus, et qu'il a promis de partager cette somme avec les hommes vils qui pourraient l'aider dans cette manœuvre.

k° Il y a des témoins qui déposent en faveur de Du Jonquay et de la Véron. Qui sont ces témoins? Que déposent-ils ?

C'est d'abord une nommée Tourtera, une courtière qui sou- tenait la Vérbn dans son petit commerce de prêteuse sur gages, et qui a été mise cinq fois à l'Hôpital pour ses infamies scanda- leuses : ce qui est très-aisé à vérifier.

C'est un cocher nommé Gilbert, qui, tantôt ferme dans le crime, et tantôt ébranlé, a déclaré chez une dame Petit, en pré- sence de six personnes, qu'il avait été suborné par Du Jonquay.

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