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EN I-AIT DE JUSTICE. 513

cliartre privée, contre dix lieures entières d'un Interrogatoire illégal, contre l'aiitorité qui les a accablées. LejeunelionHne,sans secours et sans protection, produit des témoins, et redemande son bien, le testament de sa grand"mère à la nuiin.

Allons pas à pas.

Quant au testament, il paraît qu'il ne prouve rien parce qu'il prouve trop. La testatrice y articule cinq cent mille francs au lieu de trois cent mille. Elle suppose, ou plutôt on lui fait supposer qu'elle a donné deux cent mille livres à sa fille, et on ne voit ni l'origine ni l'emploi de ces deux cent mille livres. Cela seul est un puissant indice que la testatrice était une fourbe, ou qu'on a suggéré, et très-maladroitement suggéré ce testament à une femme de quatre-vingt-liuit ans, qui prétendait n'avoir jamais eu que ces cent mille écus de bien, et qui, en se contredisant elle-même, prétend en avoir donné déjà deux cent mille autres. Si sa fille ne peut montrer devant les juges l'emploi de ces prétendus deux cent mille francs, il est plus que probable que la mère a menti en mourant ; et la fausseté de ces deux cent mille livres est la plus forte présomption de la fausseté des trois cent mille.

-Mais le jeune homme aux treize voyages a pour lui des témoins et des fauteurs, qui jusqu'à présent n'ont pas paru se démentir aux yeux du public, et qui, trop avertis du danger de se rétracter, pourront ne se démentir jamais.

On est donc réduit jus({u'à présent à peser leur témoignage. L'un des témoins est un cocher devenu piqueur ', et chassé de chez son maître. 11 dit avoir aidé à compter l'or, et à faire les sacs que le jeune homme a portés chez l'officier. On prétend qu'il a été séduit par des promesses d'argent, et par une courtière ^ condamnée ci-devant à être renfermée à l'Hôpital ; mais il peut aussi n'être point complice ; il peut n'avoir déposé que ce qui lui a paru vrai, et, quoique sa condition et toutes ses démarches le rendent très-suspect, on ne doit le juger coupable qu'après l'avoir convaincu.

Le second témoin ^ cjui dépose avoir vu, le 23 septembre 1771, porter l'or chez l'officier, était ( à ce que l'on assure ) ce jour-là même frotté de mercure dans la rue Jacob, chez un chirurgien. Il est bien aisé de savoir de ce chirurgien et de toute sa maison si ce malheureux put sortir avant ou après une pareille opération.

1. Nommé Gilbert.

2. Il est question au procès d'une nommée Tourtera; mais Voltaire n'a pas toujours analysé fidèlement les mémoires des parties. (B.)

3. Auhriot; Voltaire le qualifie ailleurs de clerc de procureur.

28. -- MtiANGES. VII. 33

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