Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome28.djvu/584

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

'574 LA VOIX

vent ([u'un homme de bien pour ramener tout un chapitre. Con- vertissez le vôtre. Ils y gagneront ; ils éviteront un procès odieu\ qui les exposerait ci la haine et à la honte publique quand même ils le gagneraient. Qu'ils transigent avec les colons; qu'ils aban- donnent le droit aflreux d'imposer la servitude, si messéant à des prêtres. Qu'ils renoncent à cette fatale prétention, pour des droits plus humains, pour des augmentations de redevances. Plusieurs seigneurs leur ont déjà donné cet exemple.

« M. le marquis de Choiseul La Baume vient d'affranchir ses vassaux dans ses terres. M. de Villefrancon, conseiller au parle- ment, M. l'avocat de Voré S et quelques autres dont j'aurai les noms, ont eu la même générosité. Les fermiers généraux, touchés d'une action si belle, en ont partagé l'honneur : ils ont refusé le droit d'insinuation qui leur est dû, et qui est très-considérable. Qu'en est-il arrivé? Ils y ont tous gagné. Leur bonne action a été récompensée, sans qu'ils espérassent aucune récompense. Des mains libres ont mieux cultivé leurs champs; les redevances se sont multipliées avec les fruits ; les ventes ont été fréquentes, la circulation al)ondante, la vie revenue dans le séjour de la mort.

« Que dis-je! le roi de Sardaigne- vient d'afl'ranchir tous les serfs de la Savoie ; et cette Savoie, dont le nom seul était le pro- verbe de la pauvreté, va devenir llorissante.

<( Montrez ces grands exemples à vos confrères ; enrichissez- les par leur grandeur d'àme. Proposez surtout à leur avocat cet arrangement honorable; il sait combien leur cause est mau- vaise. L'ordre des avocats pense noblement. La qualité d'arbitres est plus digne d'eux que celle de défenseurs d'une cause mal fondée. »

Le chanoine fut transporté de ma proposition. Il courut chez ses confrères. Ceux qui n'avaient point été moines l'écoutèrent avec attendrissement ; ceux qui l'avaient été le refusèrent avec aigreur. Il vint me retrouver en gémissant. « Ah! me dit-il, il n'y a qu'un caractère indélébile dans le monde : c'est celui de moine.

a II faudra donc plaider; il faudra que ceux qui devraient édifier scandalisent ; il faudra que les tribunaux retentissent

1. Helvétius était seigneur de Voré. Voltaire l'appelait le sage de Voré (voyez, dans la Correspondance, la lettre à Damilaville, du 1'= mars 1765); c'est peut- être lui qui est désigné ici ; mais il est à remarquer qu'il était mort depuis dix mois lorsque Voltaire écrivait.

2. Charles-Emmaiinrl III. Son édit est du 20 janvier 1762.

�� �