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FRAGMENTS HISTORIQUES SUR L’INDE,

demi-mot. » Ces traits font connaître l’esprit du pays et celui du jésuite.

Le prince de Tanjaour eut recours aux Anglais de Madras. Ils se disposèrent à faire une diversion ; il eut le temps de faire entrer d’autres troupes auxiliaires dans sa ville capitale menacée d’un siége. La petite armée française ne reçut de Pondichéry ni les vivres, ni les munitions nécessaires : on fut forcé d’abandonner cette entreprise[1], la Providence ne la bénissait pas autant que le jésuite le prétendait. La compagnie n’eut ni l’argent du prince ni celui des deux neveux qui voulaient déposséder leur oncle.

Comme on préparait la retraite, un nègre du pays, commandant d’une troupe de cavaliers nègres dans le Tanjaour, vint se présenter à la garde avancée du camp des Français, suivi de cinquante cavaliers ; il dit qu’il voulait parler au général, et prendre parti à son service. Le comte, qui était au lit, sortit de sa tente presque nu, tenant un bâton d’épine à la main. Le capitaine nègre lui porte sur-le-champ un coup de sabre qu’à peine il put parer ; les autres cavaliers nègres fondent sur lui. La garde du général accourut dans l’instant même ; on tua presque tous ces assassins. Ce fut l’unique fruit de cette expédition du Tanjaour ; mais du moins les troupes, à qui les vivres manquaient, avaient vécu pendant quelques mois aux dépens des ennemis.


ARTICLE XIV.


LE COMTE DE LALLY PREND ARCATE, ASSIÉGE MADRAS. COMMENCEMENT DE SES MALHEURS.


Enfin, malgré l’éloignement de la flotte française, conduite par le comte d’Aché aux îles de Bourbon et de France, le général chasse les Anglais de tous les postes qu’ils occupaient dans les environ d’Arcate, s’empare de cette ville, et n’est arrêté dans ses conquêtes que par l’impossibilité où il se trouva de payer les noirs qui faisaient partie de son armée. Cependant il reprend son projet favori d’assiéger Madras.

  1. L’expédition de Tanjaour fut une faute irréparable. Lally voulait éclipser la gloire de Bussy, qu’il avait rappelé du Décan. Il s’avança en pillant les églises, violant les pagodes, etc. Mais au lieu de brusquer le siége de Tanjaour, à la nouvelle du débarquement des Anglais à Karikal, il préféra s’en rapporter à un conseil de guerre, et le siége fut levé. (G. A.)