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SUR L’INDE.

Ces deux hommes, également utiles à l’Angleterre par leurs services, et au genre humain par leurs découvertes, conviennent de ce que nous avons dit, et de ce que nous ne pouvons trop répéter, que les brames ont conservé des livres écrits depuis près de cinq mille années, lesquels prouvent nécessairement une suite prodigieuse de siècles précédents.

Que les Indiens aient toujours adoré un seul Dieu, ainsi que les Chinois, c’est une vérité incontestable. On n’a qu’à lire le premier article de l’ancien Shasta traduit par M. Holwell. La fidélité de la traduction est reconnue par M. Dow, et cet aveu a d’autant plus de poids que tous deux diffèrent sur quelques autres articles ; voici cette profession de foi : nous n’avons point sur la terre d’hommage plus antique rendu à la Divinité.

« Dieu est celui qui fut toujours : il créa tout ce qui est ; une sphère parfaite, sans commencement ni fin, est sa faible image. Dieu anime et gouverne toute la création par la providence générale de ses principes invariables et éternels. Ne sonde point la nature de l’existence de celui qui fut toujours ; cette recherche est vaine et criminelle : c’est assez que, jour par jour et nuit par nuit, ses ouvrages t’annoncent sa sagesse, sa puissance et sa miséricorde. Tâche d’en profiter. »

Quand nous écririons mille pages sur ce simple passage, selon la méthode de nos commentateurs d’Europe, nous n’y ajouterions rien : nous ne pourrions que l’affaiblir. Qu’on songe seulement que, dans le temps où ce morceau sublime fut écrit, les habitants de l’Europe, qui sont aujourd’hui si supérieurs au reste de la terre, disputaient leurs aliments aux animaux et avaient à peine un langage grossier.

Les Chinois étaient, à peu près dans ce temps, parvenus à la même doctrine que les Indiens. On en peut juger par la déclaration de l’empereur Kang-hi, tirée des anciens livres et rapportée dans la compilation de Duhalde[1].

« Au vrai principe de toutes choses.

Il n’a point eu de commencement, et il n’aura point de fin. Il a produit toutes choses dès le commencement. C’est lui qui les gouverne et qui en est le véritable seigneur. Il est infiniment bon, infiniment juste ; il éclaire, il soutient, il règle tout avec une suprême autorité et une souveraine justice. »

L’empereur Kien-long s’exprime avec la même énergie dans son poëme de Moukden composé depuis peu d’années. Ce

  1. Page 41, édition d’Amsterdam. (Note de Voltaire.)