Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome29.djvu/514

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malade de sa guérison. Il lui demande s’il veut que l’ombre de son cadran au soleil avance ou recule de dix lignes ; le malade répond : « Il est bien aisé de faire avancer l’ombre ; je veux qu’elle recule. » Le malade se trompait : l’un dérangeait autant que l’autre le cours de la nature entière.

Je suis persuadé que dans la suite il y eut de savants Juifs, et surtout dans Alexandrie : ils n’auraient pas fait rétrograder le soleil comme Isaïe ; mais ils l’auraient mieux connu. Il paraît même que, vers le temps de la destruction de Jérusalem, l’historien Flavien Josèphe, et le philosophe Philon, n’étaient pas absolument étrangers à l’astronomie. Flavien Josèphe parle du phare des anciens Chaldéens, composé de deux cent vingt-trois mois lunaires qui servaient à former la période de six cents ans.

S’il y a quelque chose de vrai dans l’histoire des sciences et des erreurs, c’est qu’elles viennent presque toutes des bords du Gange ; et, quelque prodigieuse que paraisse leur antiquité, on ne peut guère leur dire : A beau mentir qui vient de loin. Presque tous les savants de nos jours conviennent que les brachmanes furent les inventeurs de l’astronomie et de la mythologie.

Après ces Indiens viennent les Persans, les Chaldéens, les Arabes, les Atlantides. Pour les Égyptiens, ils semblent être plus récents, parce qu’il fallut des siècles pour dompter le Nil, et pour rendre le meilleur terrain du pays habitable, comme l’a tant dit[1] mon ami, tant honni par vous.

Les Grecs, qui parurent les derniers de tant de peuples antiques, les éclipsèrent tous dans les arts. S’il faut venir aux Juifs, c’était, il faut l’avouer, un chétif peuple arabe sans art et sans science, caché dans un petit pays montueux et ignoré, comme Flavien Josèphe l’avoue dans sa réponse à Apion. Ce peuple ne posséda une capitale et n’eut un temple qu’environ dix-sept cents ans après que celui de Tyr avait été bâti ; il ne fut connu des Grecs que du temps d’Alexandre, devenu leur dominateur, et ne fut aperçu des Romains que pour être bientôt écrasé par eux dans la foule.

Les Romains créèrent roi de Judée un Arabe, fils d’un entrepreneur des vivres ; et bientôt après ces pauvres Juifs furent esclaves pour la huitième fois sur les ruines de leur ville fumante de sang, et vendus au marché, chaque tête au prix de l’animal[2] dont ce déplorable peuple n’osait manger. Je n’accu-

  1. Tome XI, pages 59, 64 ; XVII, 162 ; XVIII, 8.
  2. Le porc.