pour nous en fournir. Convaincus que la source de nos connaissances est hors de nous, ils nous exhortent à faire une ample provision d’idées en nous livrant aux impressions extérieures des objets ; mais, en nous y livrant en disciple qui consulte et écoute, et non en maître qui décide et qui impose silence, ils veulent que nous étudiions l’impression précise que chaque objet fait en nous, et que nous évitions de la confondre avec celles qu’un autre objet a causées.
« De là, la certitude et les bornes des connaissances humaines : certitude, quand on sent qu’on a reçu du dehors l’impression propre et précise que chaque jugement suppose, car tout jugement suppose une impression extérieure qui lui est particulière ; bornes, quand on ne saurait recevoir des impressions ou par la nature de l’objet, ou par la faiblesse des organes. Augmentez, s’il est possible, la puissance des organes, vous augmenterez les connaissances.
« Ce n’est que depuis l’invention du télescope et du microscope qu’on a fait tant de progrès dans l’astronomie et dans la physique.
« C’est aussi pour augmenter le nombre de nos connaissances et de nos idées que nos philosophes étudient les hommes d’autrefois et les hommes d’aujourd’hui. Répandez-vous comme des abeilles, vous disent-ils, dans le monde passé et dans le monde présent ; vous reviendrez ensuite dans votre ruche composer votre miel.
« Le philosophe s’applique à la connaissance de l’univers et de lui-même. Mais, comme l’œil ne saurait se voir, le philosophe connaît qu’il ne saurait se connaître parfaitement, puisqu’il ne saurait recevoir des impressions extérieures du dedans de lui-même, et que nous ne connaissons rien que par de semblables impressions. Cette pensée n’a rien d’affligeant pour lui, parce qu’il se prend lui-même tel qu’il est, non pas tel qu’il paraît à l’imagination qu’il pourrait être. D’ailleurs, cette ignorance n’est pas en lui une raison de décider qu’il est composé de deux substances opposées. Ainsi, comme il ne se connaît point parfaitement, il dit qu’il ne connaît point comment il pense ; mais comme il sent qu’il pense si dépendamment de tout lui-même, il reconnaît que sa substance est capable de penser de la même manière qu’elle est capable d’entendre et de voir.
« La pensée est dans l’homme une espèce de sens, si on l’ose dire, faute de termes, comme la vue et l’ouïe dépendent également d’une constitution organique. Le feu seul peut exciter la