Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome29.djvu/538

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bourreaux ! Et de qui ? D’un homme qui a toujours condamné vos persécuteurs.

Que nous importe au fond, à vous et à moi, pauvres Gaulois que nous sommes, si on a écrit, je ne sais où, et je ne sais quand, qu’un barbare, dans une guerre barbare entre des villages barbares, ait égorgé sa fille par piété[1] ? Que nous fait la loi de ce parricide, qui ordonnait que tout ce qui serait voué serait massacré sans rémission[2] ? De quoi nous embarrassons-nous si un homme[3] prêcha tout nu autrefois, et si c’était un signe évident que le roi d’Assyrie emmènerait pendant trois ans les Égyptiens et les Éthiopiens captifs, tout nus, sans souliers, montrant leurs fesses pour l’ignominie de l’Égypte ?

N’est-ce pas en vérité une étrange et triste occupation pour des habitants des côtes occidentales de l’occident de s’acharner les uns contre les autres pour décider comment s’y prit un voyant, un nabi, sur le bord de la rivière de Chobar[4], lorsqu’il coucha trois cent quatre-vingt-dix jours sur le côté gauche, et qu’il mangea des excréments étendus sur son pain pendant tout ce temps-là ? Faut-il injurier, calomnier, persécuter aujourd’hui son prochain, pour savoir si un autre voyant[5] donna autant d’argent à la prostituée Gomer, fille d’Ébalaïm, dont il eut trois enfants par l’ordre exprès du Seigneur son maître, qu’il en donna à l’autre prostituée adultère par le même ordre ? S’égorgera-t-on pour prouver que, cette adultère ayant eu quatre boisseaux d’orge et vingt-quatre francs du nabi, il n’en fallut pas davantage à la simple prostituée dont il eut trois enfants ?

En bonne foi, messieurs, il y a dans cet ancien livre plus de cinq cents passages tout aussi difficiles à expliquer, et qu’on peut tâcher d’entendre, ou d’oublier, ou de respecter, sans outrager personne.

XXIX. — De soixante et un mille ânes, et de trente-deux mille pucelles.

Malgré le dégoût mortel que me donne cette vaine dispute, vous me forcez de continuer à vous répondre, puisque vous continuez d’insulter et de persécuter mon ami. Vous lui reprochez

  1. Jephté. (Note de Voltaire.) — Voyez ci-après, paragraphe xxxiv.
  2. Lévitique, chapitre xxvii, verset 28.
  3. Esaia. (Note de Voltaire.) — Isaïe, xx, 2.
  4. Ézéchiel, [chap. iv]. (Note de Voltaire.)
  5. Osée [chap. i et iii]. (Id.)