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LETTRE
SUR LA PRÉTENDUE COMÈTE[1]


À Grenoble, ce 17 mai 1773.

Quelques Parisiens, qui ne sont pas philosophes, et qui, si on les en croit, n’auront pas le temps de le devenir, m'ont mandé que la fin du monde approchait, et que ce serait infailliblement pour le 20 du mois de mai où nous sommes.

Ils attendent ce jour-là une comète qui doit prendre notre petit globe à revers, et le réduire en poudre impalpable, selon une certaine prédiction de l’Académie des sciences qui n’a point été faite.

Rien n’est plus probable que cet événement, car Jacques Bernoulli[2], dans son Traité de la comète, prédit expressément que la fameuse comète de 1680 reviendrait avec un terrible fracas le 17 mai 1719 ; il nous assura qu’à la vérité sa perruque ne signifierait rien de mauvais, mais que sa queue serait un signe infaillible de la colère du ciel. Si Jacques Bernoulli se trompa, ce ne peut être que de cinquante-quatre ans et trois jours.

Or une erreur aussi peu considérable étant regardée comme nulle dans l’immensité des siècles, par tous les géomètres, il est

  1. L’astronome Lalande devait lire, dans la séance de l’Académie des sciences du 21 avril 1773, des Réflexions sur les comètes qui peuvent approcher de la terre. Ce qu’il avait dit à quelques amis, du résultat de ses calculs, s’altéra, suivant l’usage, en passant de bouche en bouche. On parla d’une comète qui, dans un an, dans un mois, dans huit jours, allait causer la fin du monde. Pour dissiper ces inquiétudes, Lalande fit imprimer une note dans la Gazette de France du 7 mai, puis des Réflexions dont, faute de temps, il n’avait pu faire lecture à la séance de l’Académie des sciences. Ce fut aussi le sujet de la Lettre sur la prétendue comète, qui fut imprimée, sans nom d’auteur, dans le Journal encyclopédique du 1er juin 1773. Le nom de l’auteur est au faux titre d’une édition séparée en 20 pages in-8o. (B.)
  2. Né en 1654, mort en 1705. C’est lui qui soutint le premier que les comètes sont, non des météores, mais des astres permanents dont le cours est réglé.