Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome29.djvu/588

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phète si elle pouvait encore espérer une place en paradis. Le prophète, que cette dame importunait, lui répondit avec un peu d’humeur (car vous savez que les prophètes en ont) : « Allez vous faire promener, madame ; le paradis n’est pas pour les vieilles. « La pauvre dame pleura et se lamenta. Le prophète la consola en lui disant : « Ma bonne, en paradis il n’y a plus de vieilles, tout le monde y est jeune. »

XVIIPermission de vendre ses enfants.

Si les dames ont été très-maltraitées par vos lois, vous nous assurez que les enfants l’étaient encore plus mal. Il est permis, dites-vous, à un père de vendre son fils dans le cas d’une extrême indigence : mon ignorance prend ici votre parti contre vous-mêmes. Je n’ai point trouvé l’énoncé de cette loi chez vous ; je trouve seulement dans l’Exode, chapitre xxi : « Si quelqu’un vend sa fille pour servante, elle ne sortira point de servitude » ; je présume qu’il en était de même pour les garçons.

Au reste, je ne connais dans l’antiquité d’autre fille vendue par son père que Métra, qui se laissa vendre tant de fois pour nourrir son père Érésichthon, lequel mourait de faim, comme vous savez, en mangeant toujours. C’est le plus grand exemple de la piété filiale qui soit dans la fable. À l’égard des garçons, je n’ai vu que Joseph vendu par sa famille patriarcale ; mais ce ne fut pas assurément son pauvre père qui le vendit.

XVIIIDes supplices recherchés.

Je vous bénirai, monsieur et messieurs, quand vous élèverez la voix contre nos abus ; nous en avons eu d’horribles ; il fut des barbares dans Paris comme dans Hershalaïm. Vous vous êtes joints à mon ami pour frémir, et pour verser sur nous des larmes ; mais quand vous nous dites que « les tourments cruels dont on a puni chez nous des fautes légères se ressentent des mœurs atroces de nos aïeux ; que chez vous les peines étaient quelquefois sévères, les supplices jamais recherchés » ; comment voulez-vous qu’on vous croie ? Relisez vos livres, vous verrez non-seulement un Josué, un Caleb, prodiguant tous les genres de mort que le fer et la flamme peuvent faire souffrir à la vieillesse, à l’enfance, et à un sexe doux et faible ; mais vous verrez, dans les temps que vous appelez les temps de votre grandeur et de vos mœurs perfectionnées, un David qui sort de son sérail de dix-huit