Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome29.djvu/59

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pas avec une plus grande intensité que celle qu’ils peuvent souffrir.

Newton, dans son calcul, a supposé que l’embrasement du fer pourrait augmenter, et a calculé suivant cette hypothèse. Mais comment un corps, quel qu’il soit, passant rapidement à cent cinquante mille lieues du soleil, peut-il s’embraser deux mille fois plus que le fer qui est pénétré de feu dans une fournaise ardente, et qui est parvenu à son dernier degré de chaleur ? Il semble que Newton pouvait réserver cette aventure de l’inflammation pour son commentaire de l’Apocalypse.

Quant au retour des mêmes comètes, c’est une opinion très-raisonnable ; mais elle n’est pas démontrée. Elle est si peu démontrée qu’excepté M. Clairaut, tous ceux qui ont prédit leur apparition ont été pris pour dupes.

Il est beau, sans doute, d’en savoir assez pour se tromper ainsi ; mais attendons encore quelques milliers de siècles pour avoir la démonstration.

Nous sommes parvenus lentement à connaître quelque chose de la nature ; la postérité achèvera le reste lentement.

On prétend que les anciens savaient, comme nous, que les comètes sont des planètes qui ont un cours régulier autour du soleil ; et on cite en preuve des Pythagore, des Philolaüs, des Sénèque, des Plutarque, etc., etc.

Oui, ils le savaient d’une science confuse, incertaine, qui n’était point une science ; ils connaissaient la circulation des comètes, comme Hippocrate connaissait la circulation du sang, sans l’avoir définie, sans l’avoir prouvée, sans l’avoir enseignée.

Jamais il n’y eut aucune école qui enseignât méthodiquement la course de la terre, des autres planètes, et des comètes, autour du soleil dans leurs orbites ; c’était un soupçon jeté au hasard, une idée philosophique tombée dans quelques têtes, et non développée. C’est à peu près ainsi que Bacon avait annoncé une gravitation, une attraction universelle ; les vrais inventeurs sont ceux qui prouvent.

M. Lemonnier, dans ses Institutions astronomiques, a raison de citer Sénèque le Philosophe, qui dit[1] : « Non existimo cometem subitaneum esse ignem, sed inter opera æterna naturæ, — Je ne crois pas les comètes des feux subitement allumés, mais des ouvrages éternels de la nature. »

Il faut louer, honorer Sénèque d’avoir deviné que le temps

  1. Nat. Quæst., VII, 22.