Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome3.djvu/266

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Elle croit que pour plaire on n’a qu’à le vouloir ;
Que tous les arts, ornés d’une grâce nouvelle,
De briller dans Anet se feront un devoir,
Dès que du Maine les appelle.
Passe pour les beaux-arts, ils sont faits pour ses yeux,
Mais non les farces insipides ;
Gilles doit disparaître auprès des Euripides.
Je conçois vos raisons, et vous m’ouvrez les yeux.
On ne me jouera point.

MADAME DU TOUR.

On ne me jouera point.Quoi ! que voulez-vous dire ?
On ne vous jouera point ?… on vous jouera, morbleu !
Je vous trouve plaisant de vouloir nous prescrire
Vos volontés pour règle… Oh ! nous verrons beau jeu ;
Nous verrons si pour rien j’aurai pris tant de peine,
Que d’apprendre un plat rôle, et de le répéter…

VOLTAIRE.

Mais…

MADAME DU TOUR.

Mais…Mais je crois qu’ici vous voulez disputer ?

VOLTAIRE.

Vous-même m’avez dit qu’il fallait sur la scène
Plus d’esprit, plus de sens, des mœurs, un meilleur ton…
Un ouvrage en un mot…

MADAME DU TOUR.

Un ouvrage en un mot…Oui, vous avez raison ;
Mais je veux qu’on vous siffle, et j’en fais mon envie.
Si vous n’êtes plaisant, vous serez plaisanté :
Et ce plaisir, en vérité,
Vaut celui de la comédie.
Allons, que l’on commence…

VOLTAIRE.

Allons, que l’on comOh ! mais… vous m’avez dit…

MADAME DU TOUR.

J’aurai mon dit et mon dédit.

VOLTAIRE.

De berner un pauvre homme ayez plus de scrupule.

MADAME DU TOUR.

Vous voilà bien malade ! Il faut servir les grands.
On amuse souvent plus par son ridicule
Que l’on ne plaît par ses talents.