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LETTRE^ DE M. ALGAROTTI

A M. L’ABBÉ FRANCHINI,

ENVOYE DE FLORENCE A PARIS,

SUR LA TRAGÉDIE DE JULES CÉSAR,

PAR M. DE VOLTAIRE.

J’ai différé jusqu’à présent, monsieur, de vous envoyer le Jules César que vous me demandez, pour vous faire part de celui de M. de Voltaire. L’édition qu’on en a faite à Paris est très-informe ; on y reconnaît assez la main de quelqu’un du genre de ceux que Pétrone appelle doctores uînhra- lici^ ; elle est défectueuse au point qu’on y trouve des vers qui n’ont pas le nombre de syllabes nécessaires : cependant la critique a jugé cette pièce avec la même sévérité que si M. de Voltaire l’eût donnée lui-même au pu- blic. Ne serait-il pas injuste d’imputer au Titien le mauvais coloris d’un de ses tableaux, barbouillé par un peintre moderne ? J’ai été assez heureux pour qu’il m’en soit tombé entre les mains un manuscrit digne de vous être en- voyé : et voilà enfin le tableau tel qu’il est sorti des mains du maître ; j’ose même l’accompagner des réflexions que vous m’avez demandées.

Il faudrait ignorer qu’il y a une langue française it un théâtre, pour ne pas savoir à quel degré de perfection Corneille et Racine ont porté l’art dra- matique ; il semblait qu’après ces grands hommes il ne restait plus rien à souhaiter, et que tâcher de les imiter était tout ce que l’on pouvait faire de mieux. Désirait-on quelque chose dans la peinture, après la Galatée de Ra- phaël ? Cependant la célèbre tête de Michel-Ange, dans le petit Farnèse,

1. Ce morceau parut, pour la première fois, dans l’édition donnée par Lamaro, ainsi qu’il le dit à la fin de son Avertissomeiit (voyez pap ; e 307). Voltaire, qui ne trouvait pas que ce fût une traduction exacte de la lettre qu’Algarotti avait écrite en italien, demandait à Thiériot si c’était Algarotti lui-même qui avait été son traducteur ; voyez ci-après le texte italien. (B.)

2. « Xondum umbraticus doctor ingénia dclevcrat. » Pétrone, cliap. ii. (B.)