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324 LA MORT DE CÉSAR.

Sous le nom do Briitus mon fils fut élevé.

Pour me haïr, ô ciel ! était-il réservé ?

Mais lis : tu sauras tout par cet écrit funeste.

ANTOINE lit.

« César, je. vais mourir. La colère céleste Va finir à la fois ma vie et mon amour. Souviens-toi ([ifà RiHitus César donna le jour. Adieu : puisse ce lils éprouver pour son père L’amitié qu’en mourant te conservait sa mère ! »

(( SERVILIE. »

Quoi ! faut-il que du sort la tyranniqne loi, César, te donne un lils si peu semblable à toi !

CÉSAR.

11 a d’autres vertus : son superbe courage

Flatte en secret le mien, même alors qu’il l’outrage.

Il m’irrite, il me plaît ; son cœur indépendant

Sur mes sens étonnés prend un fier ascendant.

Sa fermeté m’impose, et je l’excuse même

De condamner en moi l’autorité suprême :

Soit qu’étant homme et père, un charme séducteur,

L’excusant à mes yeux, me trompe en sa faveur ;

Soit qu’étant né Romain, la voix de ma patrie

Me parle malgré moi contre ma tyrannie,

Et que la liberté que je viens d’opprimer,

Plus forte encor que moi, me condamne à l’aimer.

Te dirai-Je encor plus ? Si Brutus me doit l’être.

S’il est fils de César, il doit haïr un maître.

J’ai pensé comme lui dès mes plus jeunes ans ;

J’ai détesté Sylla, j’ai haï les tyrans.

J’eusse été citoyen si l’orgueilleux Pompée

N’eût voulu m’opprimer sous sa gloire usurpée.

Né fier, ambitieux, mais né pour les vertus,

Si je n’étais César, j’aurais été Brutus.

Tout homme à son état doit plier son courage ^

1. Dans Êriphyle, acte II, scène r, Voltaire avait dit : Pliez à votre état ce fougueux caractère.

Dans Alzire, acte r"", scène iv, Montèzc dit à sa fille : Tu tIo ! s à Ion ( ; tat plier ton caractère.

Enfin dans Oreste, acte P’, scène m, on lit :

Pliez à votre état ce superbe courage. [h.)