Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome30.djvu/149

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Et tous les hommes de Sichem et de Mello, ou du Creux, allerent établir roi Abimélec près du chêne qui était dans Sichem. Et Joatham, l’ayant appris, se mit sur le haut de la montagne Garisim, et dit aux gens de Sichem. Les arbres allerent un jour pour oindre un roi ; et ils dirent à l’olivier : commande sur nous. L’olivier répondit : puis-je laisser mon huile, dont les dieux et les hommes se servent ? Puis au figuier... puis à la vigne, qui répondit : puis-je abandonner mon vin, qui est la joie de Dieu et des hommes... puis au buisson, qui dit : si vous me voulez pour roi, mettez-vous sous mon ombre, sinon que le feu sorte du buisson, et qu’il dévore les cedres du Liban... puis Joatham s’enfuit... Abimélec gouverna donc trois ans Israël[1]. ... le seigneur, étant en colere contre les israélites, les livra aux philistins et aux enfans d’Ammon, et ils furent violemment opprimés et affligés pendant dix-huit ans[2]. Il y avait en ce temps-là un homme très fort et bon guerrier nommé Jephté le galaadite, fils d’une prostituée et

    toujours compte à Dieu de ses actions ; et nous nous bornons à les révérer.

  1. voici le premier apologue qui soit parvenu jusqu’à nous ; car il y en a de plus anciens chez les arabes, les persans et les indiens. Les censeurs, qui ont objecté que les arbres ne marchent pas, devaient considérer que si la fable les fait parler, elle peut les faire marcher. Cet apologue est tout-à-fait dans le goût oriental. Le seul défaut de cette fable, est qu’elle ne produit rien ; au contraire, Abimélec n’en regne pas moins sur les hébreux : c’est-là le grand reproche de tous les critiques. Ils ne peuvent souffrir que le guide, l’ami, le dieu de Mosé, de Josué, le conducteur de son peuple, fasse régner un aussi grand scélérat qu’Abimélec. Jean Mêlier s’emporte jusqu’à dire, que cette fable du regne d’Abimélec est bien plus fable que celle des arbres, et d’une morale bien plus condamnable, et qu’on ne sait quel est le plus cruel, de Mosé, de Josué et d’Abimélec. Woolston prétend que les juifs étaient alors idolâtres ; et sa raison est que l’olivier dit que son jus plait aux dieux et aux hommes. Il veut prouver d’après les prophetes, et d’après st étienne, qu’ils furent toujours idolâtres dans le désert, où ils n’adorerent que les dieux Rempham et Kium ; et il conclut dela que la religion juive ne fut véritablement formée qu’après la dispersion des dix tribus, et après la captivité de Babylone. Il est vrai que les juifs, de leur propre aveu, furent très souvent idolâtres ; mais aussi c’est pour cela sans doute qu’ils furent si malheureux.
  2. voilà encore, disent les critiques, les juifs errants ou en esclavage pendant dix-huit ans. C’est la sixieme servitude dans laquelle ils croupirent, après s’être rendus maîtres de tout le pays avec une armée de six cents mille hommes. Il n’y a point d’exemple d’une contradiction pareille dans l’histoire profane.