Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome30.djvu/15

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Dieu dit encore : Que le ferme, le firmament, soit au milieu des eaux, et qu’il sépare les eaux des eaux[1]… Et Dieu fit deux grands luminaires, le plus grand pour présider au jour, et le petit pour présider à la nuit, et diviser la lumière des ténèbres et du jour.

Et du soir au matin se fit le quatrième jour.

Dieu dit aussi : Que les eaux produisent des reptiles d’une âme vivante, et des volatiles sur la terre sous le ferme du ciel…

Et Dieu fit les bêtes de la terre selon leurs espèces, et Dieu vit que cela était bon. Et il dit : Faisons l’homme à notre image et ressemblance[2]. Et qu’il préside aux poissons de la mer, et aux



    défense fut aisément exécutée dans un pays où les livres furent toujours extrêmement rares.

    Ce dogme, que Dieu commença par la création de la lumière, est entièrement conforme à l’opinion de l’ancien Zoroastre et des premiers Persans: ils divisèrent la lumière des ténèbres; jusque-là les Hébreux et les Persans furent d’accord, mais Zoroastre alla bien plus loin. La lumière et les ténèbres furent ennemis, et Arimane, dieu de la nuit, fut toujours révolté contre Oromaze, le dieu du jour : c’était une allégorie sensible, et d’une philosophie profonde. Voyez Hyde, chapitre ix.

    Il a paru, en 1774, un ouvrage sur les six jours de notre création, par le docteur Chrisander, professeur en théologie. Il assure que Dieu créa, le second jour, la matière électrique, et ensuite la lumière ; « qu’alors la vénérable Trinité, qui n’avait point reçu de dehors l’idée exemplaire de la lumière, vit que la lumière était bonne, et avait sa perfection ». Tout le commentaire de M. Chrisander est dans ce goût ; il en faut féliciter notre siècle. (Note de Voltaire.)

  1. Racach signifie le solide, le ferme, le firmament. Tous les anciens croyaient que les cieux étaient solides, et on les imagina de cristal, puisque la lumière passait à travers. Chaque astre était attaché à son ciel épais et transparent ; mais comment un vaste amas d’eau pouvait-il se trouver sur ces firmaments ? Ces océans célestes auraient absorbé toute la lumière qui vient du soleil et des étoiles, et qui est réfléchie des planètes. La chose était impossible : n’importe, on était assez ignorant pour penser que la pluie venait de ces cieux supérieurs, de cette plaque, de ce firmament. C’est le sentiment d’Origène, de saint Augustin, de saint Cyrille, de saint Ambroise, et d’un nombre considérable de docteurs.

    Pour avoir de la pluie il fallait que l’eau tombât du firmament. On imagina des fenêtres, des cataractes, qui s’ouvraient et se fermaient : c’est ainsi que, dans l’Amérique septentrionale, les pluies étaient formées par les querelles d’un petit garçon céleste et d’une petite fille céleste qui se disputaient une cruche remplie d’eau ; le petit garçon cassait la cruche, et il pleuvait. (Id.)

  2. C’était encore une idée universellement répandue dans notre Occident que l’homme était formé à l’image des dieux.

    Finxit in effigiem moderantum cuncta deorum.

    Ovid., Met., 1, 83.)

    L’antiquité profane était anthropomorphite. Ce n’était pas l’homme qu’elle imaginait semblable aux dieux. Elle se figurait des dieux semblables aux hommes. C’est pourquoi tant de philosophes disaient que si les chats s’étaient forgé des dieux, ils les auraient fait courir après les souris. La Genèse, en ce point comme en plusieurs autres, se conforme toujours à l’opinion vulgaire, pour être à la portée des simples. (Id.)