Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome30.djvu/155

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Samson descendit à Thamnatha ; et voyant des filles de philistins, il dit à son pere et à sa mere, j’ai vu des filles de philistins, j’en veux épouser une, donnez-moi celle-là parce qu’elle a plu à mes yeux...[1]. Il vit en chemin un jeune lion furieux et mugissant ; il le déchira comme un chevreau, n’ayant rien dans ses mains. Et quelques jours après il trouva un essaim d’abeilles dans la gueule du lion, et un rayon de miel...[2]. Après cela il continua son chemin. Et il prit trois cents renards, il les lia l’un à l’autre par la queue, et y attacha des flambeaux au milieu. Et ayant allumé les flambeaux il lâcha les renards, qui brûlerent tous les bleds des philistins, tant ceux qui étaient dans l’aire que ceux qui étaient sur pied, et les vignes, et les oliviers...[3].

    juives, comme nous l’avons déjà dit, sont évidemment prises, et grossiérement imitées des anciennes fables qui avaient cours dans le monde. Le même Pétau, qui fait naître Hercule 1289 ans avant notre ère, ne fait commencer les exploits de Samson que 1135 ans avant la même ère. Supposé qu’il eût commencé à vingt-cinq ans, il serait donc né en onze cent-dix. Hercule était donc né cent soixante et dix-neuf ans avant Samson. Il est donc démontré, selon ces critiques, que la fable de Samson, trahi par les femmes, est une imitation de la fable d’Hercule. Les sages commentateurs répondent, qu’il est possible que les deux avantures soient vraies, et que l’une ne soit point prise de l’autre ; que dans tous les pays on a vu des hommes d’une force extraordinaire, et que plus on est vigoureux plus on se livre aux femmes, et qu’alors on abrege ses jours.

  1. le curé Mêlier s’emporte à son ordinaire contre cette histoire sacrée, et plus violemment encore que contre les autres. " quelle pitoyable sottise, dit-il, de commencer la vie de Samson, nazaréen, particuliérement consacré au dieu des juifs, par la contravention la plus formelle à la loi juive ! Il était rigoureusement défendu aux juifs d’épouser des étrangeres, et encore plus d’épouser une philistine. Cependant Manué et sa femme, qui ont consacré Samson dès sa naissance, lui donnent une philistine en mariage, et cela dans une prétendue ville de Thamnatha qui n’a jamais existé. Je voudrais bien savoir comment des philistins pouvaient s’abaisser jusqu’à donner leurs filles à un de leurs esclaves ! "
  2. Mêlier trouve l’avanture du lion aussi ridicule que le mariage à Thamnatha. Il dit que les abeilles qui font ensuite du miel dans la gueule de ce lion sont la chose du monde la plus impertinente ; que les abeilles ne font jamais leur cire et leur miel que dans des ruches ; qu’elles ne bâtissent leurs ruches que dans les creux des arbres, et qu’il faut une année entiere pour qu’on trouve du miel dans ces ruches ; qu’elles ont une aversion insurmontable pour les cadavres, et que l’auteur de ce misérable conte était aussi ignorant que Don Calmet, qui rapporte sérieusement la fable des abeilles nées du cuir d’un taureau. Quand on a de telles impertinences à commenter, dit Mêlier, il ne faut point les commenter, il faut se taire.
  3. il parle avec la même indécence de l’avanture des trois cents renards. Elle lui paraît un conte absurde, qui ne saurait même amuser les enfants les plus