Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome30.djvu/172

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levés au point du jour, voilà que Dagon était par terre devant l’arche du seigneur. Ils prirent Dagon et le remirent à sa place. Le surlendemain, s’étant levés au point du jour, ils trouverent encore Dagon par terre devant l’arche du seigneur ; mais la tête de Dagon, et ses mains coupées, étaient sur le seuil. Or le trône de Dagon était demeuré en son lieu. Et c’est pour cette raison que les prêtres de Dagon, et tous ceux qui entrent dans son temple, ne marchent point sur le seuil du temple d’Azot jusqu’à aujourd’hui[1]. Or la main du seigneur s’aggrava sur les azotiens, et il les démollit, et il les frappa dans la plus secrete partie des fesses ; et les campagnes bouillirent, et les champs aussi au milieu de cette région, et il naquit des rats ; et il fut fait une grande confusion de morts dans la cité. Or ceux d’Azot, voyant ces sortes de plaies, dirent : que le coffre du dieu d’Israël ne demeure plus chez nous et sur Dagon notre dieu. Et ils assemblerent tous les princes philistins, et ils dirent : que ferons-nous de l’arche du dieu d’Israël ? Les géthéens dirent : qu’on la promene. Et ils promenerent l’arche du dieu d’Israël. Et comme ils la promenaient de ville en ville, la main de Dieu se fesait sur eux, et il tuait grand nombre d’hommes ; et

  1. le Lord Bolingbroke fait sur cette avanture des réflexions trop critiques. " la ressource des vaincus, dit-il, est toujours de supposer des miracles qui punissent les vainqueurs. Ces mots, ne marchent point sur le seuil du temple d’Azot jusqu’à aujourd’hui, prouvent deux choses, que ce miracle pitoyable ne fut imaginé que longtemps après, et que l’auteur ignorait les coutumes des phéniciens, dont il ne parle qu’au hazard : il ne sait pas que non seulement les phéniciens, les syriens, les égyptiens, les grecs et les romains, consacraient le seuil de tous les temples, qu’il n’était pas permis d’y poser le pied, et qu’on le baisait en entrant dans le temple. " il fait une critique beaucoup plus insultante. Quoi ! Dit-il, Dagon avait un temple ; Ascalon, Acaron, Sidon, Tyr, en avaient ; et le dieu d’Israël n’avait qu’un coffre ; encore ses ennemis l’avaient-ils pris ! Nous avons déjà réfuté cette critique blasphématoire, en fesant voir que le temple du seigneur devait être bâti à Jérusalem dans le temps marqué par la providence, et que c’est par un autre dessein de la providence qu’il fut détruit par les babyloniens ; ensuite par Hérode, qui en bâtit un plus beau ; que le temple d’Hérode fut détruit par les romains ; et que les mahométans ont enfin élevé une mosquée sur la même plateforme, et sur les mêmes fondemens construits par l’iduméen Hérode. Nous n’entrerons point dans la question, que propose Don Calmet, si le grand-prêtre Héli est damné : il n’appartient point aux hommes de damner les hommes. Laissons à Dieu seul ses jugements.