Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome30.djvu/206

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dans Hébron. Et David dit à Absalon : va-t’en en paix. Et Absalon s’en alla dans Hébron ; et Absalon fit publier dans tout Israël, au son de la trompette, qu’il régnait dans Hébron. David dit à ses officiers, qui étaient avec lui à Jérusalem : allons, enfuyons-nous vite, hâtons-nous de sortir, de peur qu’on ne nous frappe dans la bouche du glaive… le roi David sortit donc avec tout son monde, en marchant avec ses pieds, laissant seulement dix de ses concubines pour garder la maison… ainsi, étant sorti avec ses pieds, suivi de tout Israël, il s’arrêta loin de sa maison ; et tous ses officiers marchaient auprès de lui ; et les troupes des théens, des céréthins, des phélétins, et six cents géthéens, très-courageux, marchaient à pied devant lui…[1]. Tout le peuple pleurait à haute voix ; et le roi passa le torrent de Cédron ; et tout le peuple s’en allait dans le désert…[2]. Après que David fut monté au haut du mont,

  1. le Lord Bolingbroke raconte que le général Widers, qui s’était tant signalé à la fameuse bataille de Blenheim, entendant un jour son chapelain lire cet endroit de la bible, lui arracha le livre et lui dit : par D chapelain, voila un grand poltron et un grand misérable que ton David, de s’en aller pieds nuds avec son beau régiment de géthéens ; par D. J’aurais fait volte face, jarni D j’aurais couru à ce coquin d’Absalon. Mord… je l’aurais fait pendre au premier poirier. Le discours et les juremens de ce Widers sont d’un soldat ; mais il avait raison dans le fonds ; quoique ses paroles soient fort irrévérentieuses.
  2. si l’auteur sacré n’avait été qu’un écrivain ordinaire, il aurait détaillé la rebellion d’Absalon, il aurait dit quelles étaient les forces de ce prince ; il nous aurait appris pourquoi David, ce grand guerrier, s’enfuit de Jérusalem avant que son fils y fût arrivé. Jérusalem était-elle fortifiée ? Ne l’était-elle pas ? Comment tout le peuple, qui suit David, ne fait-il pas résistance ? Est-il possible qu’un homme aussi impitoyable que David, qui vient de scier en deux, d’écraser sous des herses, de brûler dans des fours, ses ennemis vaincus, s’enfuie de sa capitale en pleurant comme un sot enfant, sans faire la moindre tentative pour réprimer un fils criminel ? Comment, étant accompagné de tant d’hommes d’armes, et de tous les habitants de Jérusalem, ce sémei lui jeta-t-il des pierres impunément tout le long du chemin. C’est sur de telles incompatibilités que les Tilladet, les Le Clerc, les Astruc, ont pensé que nous n’avons que des extraits informes des livres juifs. Les auteurs de ces extraits écrivaient pour des juifs, qui étaient au fait des affaires ; ils ne savaient pas que leurs livres seraient lus un jour par des bretons et par des gaulois. à l’égard de ce pauvre Miphibozeth, fils de Jonathas, fils de Saül, comment ce boiteux espérait-il de régner ? Comment David, qui n’a plus rien, qui ne peut plus disposer de rien, donne-t-il tout le bien du prince Miphibozeth à son domestique Siba ? Fréret dit, que si ce prince Miphibozeth avait un intendant (ce qui est difficile à croire) cet intendant se serait emparé du bien de son maître sans attendre la permission du roi David.