Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome30.djvu/213

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tialité, mais avec trop de véhémence peut-être, et trop de hardiesse.

Salomon prit possession du trône de son pere, et affermit son regne… Adonias alla implorer la protection de sa belle-mere Bethsabé, et lui dit : vous savez que le regne m’appartenait, comme à l’ainé, et que, de plus, tout Israël m’avait choisi pour roi ; mais mon royaume a été transporté à mon frere, et le seigneur l’a constitué ainsi ; je ne demande qu’une grace ; le roi Salomon ne vous refusera rien ; je vous prie qu’il me laisse épouser Abisag la sunamite… Bethsabé dit donc à Salomon son fils : je te prie, donne pour femme Abisag la sunamite à ton frere Adonias. Le roi Salomon répondit à sa mere ; pourquoi demandes-tu Abisag la sunamite pour Adonias ? Demande donc aussi le royaume ; car il est mon frere ainé, et il a pour lui Abiathar le grand-prêtre, et le capitaine Joab…[1]. Salomon jura donc par Dieu… disant : je jure par Dieu, qui m’a mis sur le trône de David mon pere, qu’aujourd’hui Adonias mon frere sera mis à mort. Et le roi Salomon envoya le capitaine Banaia, fils de Joiadad, qui assassina Adonias, et il mourut… cette nouvelle étant venue au capitaine Joab, qui était attaché au prince Adonias ; il s’enfuit dans le tabernacle du seigneur, et embrassa la corne de l’autel… on vint dire au roi Salomon que Joab s’était réfugié dans le tabernacle de Dieu, et qu’il s’y tenait à l’autel. Et le roi Salomon envoya aussitôt le capitaine Banaia, fils de Joiadad, disant : cours vite, va tuer Joab… Banaia alla donc au tabernacle de Dieu, et dit à Joab : sors d’ici, que je te tue. Joab lui répondit : je ne sortirai point ; je mourrai ici… le capitaine Banaia, alla rapporter la chose au roi. Le roi lui répondit : fais comme je t’ai dit[2],

  1. en tâchant de suivre mes deux prédécesseurs, j’observe d’abord que cette histoire n’a rien de commun ni avec nos saints dogmes, ni avec la foi, ni avec la charité. Le jeune Adonias demande à son frere puiné, devenu roi par la brigue de Bethsabé et du prophete Nathan, une seule grace, qui ne tire à aucune conséquence : il veut, pour tout dédommagement du royaume qu’il a perdu, une jeune fille, une servante, qui réchauffait son vieux pere : il est si simple et de si bonne foi, qu’il implore, pour obtenir cette fille, la protection de la mere de Salomon, de cette même Bethsabé qui lui a fait perdre la couronne ; et, pour toute réponse, le sage Salomon jure par Dieu qu’il fera assassiner son frere Adonias ; et sur le champ, sans consulter personne, il commande au capitaine Banaia d’aller tuer ce malheureux prince. Est-ce là l’histoire du peuple de Dieu ? Est-ce l’histoire du serrail du grand turc ? Est-ce celle des voleurs de grand-chemins ?
  2. si l’on peut ajouter un crime nouveau aux scélératesses par lesquelles