Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome30.djvu/272

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sauva la vie en devinant le rêve. Les critiques osent traiter ce récit de puérilité ridicule. 3 ensuite vient l’histoire de la fournaise ardente, dans laquelle Sydrac, Misac, et Abdénago chanterent. On ne traite pas cette avanture avec plus de ménagement. 4 ensuite Nabucodonosor est changé en bœuf, et mange du foin pendant sept ans, après quoi il redevient homme et reprend la couronne. C’est sur quoi nos critiques s’égaient inconsidérément. 5 ils ne sont pas moins hardis sur Baltazar prétendu fils de Nabucodonosor, et sur cette main qui va écrivant trois mois en caracteres inconnus sur la muraille. Ils protestent que Nabucodonosor n’eut d’autre fils qu’Evilmérodac, et que Baltazar est inconnu chez tous les historiens. 6 l’auteur juif fait succéder à Baltazar Darius le mede : mais ce Darius le mede n’a pas plus existé que Baltazar. C’est Cyaxare, oncle de Cyrus, que l’auteur transforme en Darius de Médie. 7 l’auteur raconte que ce Darius, ayant ordonné qu’on ne priât aucun dieu pendant trente jours dans tout son empire, et Daniel ayant prié le dieu des juifs, on le fit jetter dans la fosse aux lions. Le roi courut le lendemain à la fosse, et appella Daniel, qui lui répondit. Les lions ne l’avaient pas touché. Le roi fit jetter à sa place ses accusateurs avec leurs femmes et leurs enfants, que les lions dévorerent. 8 vient ensuite la vision des quatre bêtes, et Daniel avait eu cette vision du temps du prétendu roi Baltazar. C’est cette vision des quatre bêtes qui paraît interpolée aux yeux des critiques hardis. Ils la soutiennent écrite du temps d’Antiochus-épiphane. En effet, c’est à cet Antiochus que le prophete s’arrête ; parce que l’écrivain, disent-ils, ne pouvait prophétiser que ce qu’il voyait. Ils le comparent à ce flamand nommé Arnou-Vion, qui dédia à Philippe Second les prétendues prophéties et les logogriphes de l’irlandais saint Malachie[1] ; logogriphes

  1. Les prophéties de saint Malachie sont rapportées dans le Moréri de 1759, article Malachie. L'explication est donnée sur celles qui concernent les papes de 1143 à 1700 (de Célestin II à Clément XI). Les noms des quatre papes suivants (Innocent XIII, Benoit XIII, Clément XII, Benoît XIV) sont mis à côté des phrases qui les concernent, mais sans explication. Parmi les sept papes qui ont régné depuis Benoit XIV, deux (Pie VI et Pie VII) ont rapport à deux phrases dont l'explication n'est pas difficile : Peregrinus apostolicus et Aquila rapax. C'est au successeur de Grégoire XVI que s'appliquent, dans les prophéties dites de Malachie, les mots Crux de cruce, après lesquels il n'y a plus que dix prophéties, dont