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386 ARTICLES EXTRAITS

Si monsieur le docteur en médecine se contredit ainsi dans ses consultations, il ne sera pas appelé souvent par ses confrères. Mais en parlant d'Achille, il deyait se souvenir qu'il était invul- nérable, et que par conséquent il n'avait pas un grand mérite à être si intrépide.

Et c'est par ces déclamations qu'il prouve que le fluide des nerfs agit sur l'âme, et l'âme sur eux! C'est après avoir bien connu le tempérament d'Achille et d'Alexandre qu'il décide que jamais un corps délicat et vigoureux ne logea une âme forte!

Il est bien difficile en effet qu'un corps soit délicat et vigou- reux. Mais, sans insister sur cette inadvertance, l'on doit remar- quer qu'on a vu cent fois dans nos armées des officiers du tempérament le plus faible et du courage le plus grand; des malades sortir de leur Ht pour se faire porter à l'ennemi sur les bras de leurs grenadiers. M. Marat semble avoir calomnié la nature humaine plus qu'il ne l'a connue.

Enfin, quand on a lu cette longue déclamation en trois volumes, qui nous annonce la connaissance parfaite de l'homme, on est fâché de ne trouver que ce qui a été répété depuis trois mille ans en tant de langues diff'érentes. Il eût été plus sensé de s'en tenir à la description de l'homme, qu'on voit dans le second et le troisième tome de VHistoire naturelle. C'est là qu'en effet on apprend à se connaître ; c'est là, comme nous l'avons déjà dit^ qu'on apprend à vivre et à mourir : tout y est exposé avec vérité et avec sagesse, depuis la naissance jusqu'à la mort.

M. Marat a suivi des routes différentes. Il finit par dire « qu'il a découvert les causes, et qu'on peut les déterminer avec pré- cision en appliquant le calcul aux effets ». Il nous assure que « rhumeur morale, l'activité, l'indolence, l'ardeur, la froideur, l'impétuosité, la langueur, le courage, la timidité, la pusillanimité, l'audace, la franchise, la dissimulation, l'étourderie, la réserve, la tendresse, le penchant à la volupté, à l'ivrognerie, à la gour- mandise, à l'avarice, à la gloire, à l'ambition, la docilité, l'opi- niâtreté, la folie, la sagesse, la raison, Timagination, le souvenir, la réminiscence, la pénétration, la stupidité, la sagacité, la pesan- teur, la délicatesse, la grossièreté, la légèreté, la profondeur, etc., ne sont pas des qualités inhérentes à l'esprit et au cœur, mais des manières d'exister de l'âme qui tiennent à l'état des organes cor-

��I. Voltaire le dit à la fin du neuvième de ses Dialogues d'Évhémère; mais je crois, jusqu'à présent, ces dialogues postérieurs à l'article sur l'ouvi'age de Marat. (B.) — Ces Dialogues sont dans le présent volume.

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