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DU JOURNAL DE POLITIQUE, ETC. 397

de ses deux filles. On a déjà dit que l'intérêt d'État ôte aux rois la douceur d'avoir des parents. Le duc de Savoie, dans l'espérance incertaine de joindre à ses domaines quelques villages de plus, se donna secrètement à l'empereur dans le temps même qu'il était à la tête de l'armée française en Italie, et qu'il faisait partir sa seconde fille pour épouser Philippe V. Sa défection, bientôt après publique, fut la première cause des malheurs de la France pendant près de dix années. Il est triste que le rédacteur n'ait pu développer les ressorts qui amenèrent à ce point la politique et l'inconstance d'un souverain et d'un père. Mais il ne fait point une histoire : il rend compte des mémoires qu'on lui a confiés, à mesure qu'ils lui passent sous les yeux, sans même suivre l'ordre des temps ; et il suppose toujours qu'il est lu par des per- sonnes instruites.

Le choix d'une dame d'honneur et d'un confesseur est ce qui occupe le plus longtemps les cours de France et d'Espagne, Louis insista sur une dame française et sur un confesseur français, mais jésuite : ces deux points furent les plus importants, et divisèrent bientôt tout Madrid. La princesse des Ursins, de la maison de La Trimouille, veuve d'un seigneur romain, fut camarera mayor: c'est un titre qui répond à celui de dame d'honneur en France. Il laissa au jésuite Daubenton, confesseur du roi son petit-fils, le soin de chercher un homme de sa robe pour être le confesseur de la reine. Tout cela fut une source d'obscures intrigues de cour, que les lecteurs aiment à pénétrer, moins par le désir de s'in- struire que par cette malignité secrète qui fixe leurs regards sur les faiblesses des souverains.

Plusieurs écrivains, hommes d'État, ont regardé comme une faiblesse ces inquiétudes sur le jansénisme et sur le quiétisme qui tourmentaient alors Louis XIV, Ce même monarque, qui avait résisté au pape Innocent XI avec une fierté si convenable, se croyait obligé alors de solliciter la condamnation de l'arche- vêque de Cambrai Fénelon, pour avoir soutenu que Dieu méri- tait d'être aimé sans intérêt, et de l'oratorien Quesnel, pour avoir dit qu'une excommunication injuste ne doit empêcher personne de faire son devoir. Il recommandait instamment au roi d'Es- pagne de persécuter les jansénistes de ses États de Flandre ; il voulait que le jésuite Daubenton lui en fit un devoir. Il pensait réellement que Dieu le devait récompenser pour avoir poursuivi ceux qu'on appelait quiétistes, jansénistes, calvinistes.

C'est peut-être cette même faiblesse qui, en cherchant des occupations réputées faciles, le portait à vouloir gouverner l'in-

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