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SUR L'ESPRIT DES LOIS. 421

Ces notions paraissent avoir été transmises aux Grecs par les Égyptiens. On le voit par le Mercure Trismégiste, traduit de l'égyp- tien en grec, seul livre qui nous reste de ces immenses l)il)lio- tlièques de l'Egypte. Il y est parlé à tout moment de l'iiarmonic de la musique avec laquelle Dieu arrangea les sphères de l'uni- vers. Toute espèce d'arrangement et d'ordre fut donc réputée musique en Grèce, et à la fin ce mot ne fut plus consacré qu'à la théorie et à la pratique des sons de la voix et des instruments. Les lois, les actes publics, étaient annoncés au peuple on musique. On sait que la déclaration de guerre contre Philippe, père d'A- lexandre, fut chantée dans la grande place d'Athènes. On sait que Philippe, après sa victoire de Chéronée, insulta aux vaincus en chantant le décret d'Athènes fait contre lui, et en battant la mesure.

C'était donc d'abord cette musique prise dans le sens le plus étendu, cette musique qui signifie la culture des beaux-arts, la- quelle polit les mœurs des Grecs, et surtout celles des Arcades.

. . . Soli cantare periti Arcades^.

Je vois encore moins comment l'amour des garçons peut en- trer dans le code de Montesquieu. Nous rougissons, dit-il (page 45), de lire dans Plutarque que les ïhébains, pour adoucir les mœurs de leurs jeunes gens, établirent par les lois un amour qui devrait être proscrit par toutes les nations du monde.

Pourquoi un philosophe tel que Montesquieu accuse-t-il un philosophe tel que Plutarque d'avoir fait l'éloge de cette infamie? Plutarque, dans la vie de Pélopidas, s'exprime ainsi : « On pré- tend que Gorgidas fut le premier qui leva le bataillon sacré, et qui le composa de trois cent hommes choisis, entretenus aux frais de la ville, liés ensemble par les serments de l'amitié... comme lolas fut attaché à Hercule. Ce bataillon fut probablement appelé sacré, comme Platon appelle sacré un ami conduit par un dieu... On dit que cette troupe se maintint invincible jusqu'à la bataille de Chéronée. Philippe, visitant les morts, et voyant ces trois cents guerriers étendus les uns auprès des autres, et cou- verts de nobles blessures par-devant, leur donna des larmes, et s'écria : « Périssent tous ceux qui pourraient soupçonner que de si braves gens aient pu jamais souffrir ou commettre des choses honteuses ! »

Plutarque avoue qu'ils furent calomniés : mais il justifie leur

1. Virgile, Églog. X, 32-33.

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