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SUR L'ESPRIT DES LOIS. 437

condamner au plus horrible supplice des jeunes gens qui n'étaient coupables que d'une étourderic passagère, laquelle exigeait une correction, et non la mort. Juste ciel ! que nous sommes loin d'être des dieux en fait de jurisprudence^ !

XLV.

(( Un ancien usage des Romains défendait de faire mourir les filles qui n'étaient pas nubiles. Tibère trouva l'expédient de les faire violer par le bourreau avant de les envoyer au supplice. Tyran subtil et cruel, il détruisait les mœurs pour conserver les coutumes. » (Page 222, liv. XII, chap. xiv.)

Ce passage demande, ce me semble, une grande attention. Tibère, homme méchant, se plaignit au sénat de Séjan, homme plus méchant que lui, par une lettre artilicieuse et obscure. Cette lettre n'était point d'un souverain qui ordonnait aux magistrats de faire selon les lois le procès à un coupable : elle semblait écrite par un ami qui déposait ses douleurs dans le sein de ses amis. A peine détaillait-il la perfidie et les crimes de Séjan. Plus il paraissait affligé, plus il rendait Séjan odieux. C'était livrer à la vengeance pulilic le second personnage de l'empire, et le plus détesté. Dès qu'on sut dans Rome que cet homme si puissant déplaisait au maître, le consul, le préteur, le sénat, le peuple, se jetèrent sur lui comme sur une victime qu'on leur abandonnait. Il n'y eut nulle forme de jugement : on le traîna en prison, on l'exécuta; il fut déchiré par mille mains, lui, ses amis, et ses parents. Tibère n'ordonna point qu'on fît mourir la fille de ce malheureux, âgée de sept ans, malgré la loi qui défendait cette harbarie ; il était trop habile et trop réservé pour ordonner un tel supplice, et surtout pour autoriser le viol par un bourreau. Tacite et Suétone rapportent l'un et l'autre au bout de cent ans cette action exécrable ; mais ils ne disent point qu'elle ait été commise ou par la permission de l'empereur, ou par celle du

1. Ce passage de Montesquieu n'est pas intelligible. Quoi! il avait fallu une inspiration divine pour juger à la pluralité des voix? Cet usage n'est-il pas établi nécessairement par l'égalité et par la force, lorsqu'il ne l'est pas encore par la raison? On a voulu dire apparemment que, le jugement ne pouvant être porté en général que par une pluralité de cinq voix par exemple, on exigeait celle de six pour condamner: comme si en Angleterre un juré pouvait prononcer le non (juilty dès qu'il y a onze voix de cet avis, et le giiilty seulement lorsqu'il y a unanimité! La loi des Grecs était encore divine par rapport à celle des Romains, où le juge- ment à la pluralité des tribus pouvait être rendu à la minorité des sufirages : ce qui était très-propre à favoriser aux dépens du peuple les intrigues du sénat ou celles des tribuns. (K.)

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