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460 COMMENTAIRE

Ainsi, par cette loi même, Clotaire aurait tout donné aux tantes, en pensant exclure les nièces.

On dira qu'il y a une énorme contradiction dans cette pré- tendue loi des Francs-Saliens, et on aura grande raison. On en trouve dans les lois grecques et romaines. Nous avons vu, et nous avons dit^ dans toute notre vie, que ce monde ne subsiste que de contradictions.

Il y a bien plus : cette coutume cruelle fnt abolie en France dès qu'elle y fut publiée. Rien n'est plus connu de tous ceux qui ont quelque teinture de notre ancienne bistoire, que cette formule par laquelle tout Franc-Salien instituait ses filles héritières de ses domaines :

(( Ma chère fille, un usage ancien et impie ôte parmi nous toute portion paternelle aux filles ; mais, ayant considéré cette impiété, j'ai vu que vous m'aviez été tous donnés de Dieu également, et je dois vous aimer de même. Ainsi, ma chère fille, je veux que vous héritiez par portion égale avec vos frères dans toutes mes terres. »

Or une terre salique était un franc-aleu libre. Il est évident que si une fille pouvait en hériter, à plus forte raison la fille d'un roi. Il aurait été injuste et absurde de dire : Notre nation est faite pour la guerre, le sceptre ne peut tomber de lance en quenouille. Et supposé qu'alors il y eût eu des armoiries peintes, et que les armoiries des rois francs eussent été des fleurs de lis, il eût été bien plus absurde de dire, comme on a dit depuis : Les lis ne tra- vaillent ni ne filent'.

Voilà une plaisante raison pour exclure une princesse de son héritage ! Les tours de Castille filent encore moins que les lis, les léopards d'Angleterre ne filent pas plus que les tours : cela n'em- pêchait pas que les filles n'héritassent des couronnes de Castille et d'Angleterre sans difficulté.

Il est évident que si un roi des Francs n'ayant qu'une fille avait dit par son testament : <( Ma chère fille, il y a parmi nous un usage ancien et impie qui ôte toute portion paternelle aux filles ; et moi, considérant que vous m'avez été donnée de Dieu, je vous déclare mon héritière, » tous les antrustions^ et tous les leudcs auraient dû lui obéir. Si elle n'eût point porté les armes,

"1. Voyez la note sur la onzième des Lettres cliinoises, etc., tome XXIX, page 493.

2. Voyez Essai sur les Mœurs, chap. lxxv, tome XII, page lô; et Diction- naire pliilosopliique, au mot Loi saliqle, tome XIX, page G07.

3. Voyez ci-après la note sur l'article m du Prix de la justice et de l'Iiumanité.

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