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ET DE L'HUMANITE. 541

On vous dira peut-être : « M. Beccaria se trompe; la préfé- rence qu'il donne à des travaux pénibles et utiles, qui dureront toute la vie, n'est fondée que sur l'opinion que cette longue et ignominieuse peine est plus terrrible que la mort, qui ne se fait sentir qu'un moment. On vous soutiendra que, s'il a raison, c'est lui qui est le cruel; et que le juge qui condamne à la potence, à la roue, aux flammes, est l'homme indulgent. »

Vous répondrez, sans doute, qu'il ne s'agit pas ici de discuter quelle est la punition la plus douce, mais la plus utile. Le grand objet, comme nous l'avons dits est de servir le public; et, sans doute, un homme dévoué pour tous les jours de sa vie à préserver une contrée d'inondation par des digues, ou à creuser des canaux qui facilitent le commerce, ou à dessécher des marais empestés, rend plus de services à l'État qu'un squelette branlant à un poteau par une chaîne de fer, ou plié en morceaux sur une roue de charrette ^

ARTICLE IV. D i I) r E I,.

Ne parlerez-vous point du duel, qui chez nos nations modernes est honorable et pendable? Ne nous direz-vous point pourquoi les Scipion, les Métellus, les César, et les Pompée, n'allaient point sur le pré pousser de tierce et de quarte, et pourquoi c'est la gloire d'un sous-lieutenant basque ou gascon, qui, pour prix de sa vaillance, et en exhaussement de chevalerie, est condamné à être pendu ?

Ne remarquerez -vous pas que toute société s'empresse à chasser un coquin, de qualité ou non, qui est surpris trompant au jeu, ne s'agirait-il que de quelques pistoles, tandis que toute

1. Voyez tome XXVI, page 445.

2. Depuis l'avènement d'Elisabeth, on n'a puni de mort en Russie qu'un très- petit nombre de personnes dont on a jugé que la vie pouvait être dangereuse. L'empereur vient d'abolir la peine de mort dans ses États. Dans ceux du roi de Prusse, l'assassinat est le seul crime capital, du moins parmi les délits civils. Avouons que, dans ce prétendu siècle de corruption et de délire, la raison et l'hu- manité ont pourtant gagné quelque chose. Croirait-on que, dans la canaille de la littérature française, il s'est trouvé quelques hommes assez imbéciles et assez lâches pour prendre le parti des bourreaux contrôles philosophes? Hé, messieurs, déchirez nos ouvrage>?, calomniez nos principes ou nos actions, dénoncez nos per- sonnes; mais du moins, quand nous crions d'épargner le sang des hommes, n'excitez point à le verser. (K.) — Dans cette note, les éditeurs de Kelil modifient un peu ce que Voltaire avait dit dans le paragraphe x de son Commentaire sur le livre des Délits et des Peines; voyez tome XXV, page 555.

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