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534 PRIX DE LA JUSTICE

lui-même ne fut-il pas emporté par le diable dans un désert et sur une montagne, et sur le pinacle du temple?» (Delrio, cliap. XXX, Disquisilions magirjucs.)

Les sages répondaient en vain que les temps étaient chan- gés; que ce qui était bon autrefois ne l'était plus de nos jours. Le monde restait toujours partagé entre les gens croyant à la magie, et les gens faisant brûler ces croyants.

Enfin on a cessé de brûler les sorciers, et ils ont disparu de la terre K

ARTICLE X.

DU S A C r> I L É G E.

En tout pays, détruire ou insulter les choses sacrées du pays, il est clair par le seul mot que c'est un sacrilège. Le Romain qui, ayant tué un chat consacré en Egypte, fut massacré par le peuple dévot en fureur, avait commis un sacrilège envers les Égyptiens, parce qu'étant seul contre une nation entière il avait offensé la religion dominante du pays. Mais quand le roi de Perse Gam- byse, vainqueur de ces superstitieux et lâches Égyptiens, tua leur dieu Apis, et qu'il l'immola probablement à son dieu Mithra, peut-on dire qu'il commit un sacrilège? Non, sans doute; il punissait en maître un peuple méprisable qui faisait d'une étable un sanctuaire, et qui révérait le fumier d'un bœuf.

Je suppose qu'en effet le grand-lama donne à baiser et, si l'on veut, à sucer le résidu de sa garde-robe enchâssé dans une

��l. On a dit, on imprime, et on répète qu'en Franco Louis XIV défendit que le parlement de Paris connût des accusations de magie et de sorcellerie ; cela n'est pas vrai. Son édit de 1682 renouvelle les anciennes lois contre « les devins, les devineresses,... coupables d'impiété, sortilèges, sous prétexte de magie, qui doivent être punis de mort ».

Il paraît que le rédacteur de la loi s'est mal expliqué. On n'entend point ce que c'est qu'un sortilège sous prétexte de magie : c'est comme si l'on disait sortilège sous prétexte de sortilège. Le fait est que le parlement de Paris, composé d'hommes instruits et judicieux, n'a point l'ancienne bêtise de croire aux sorciers, aux ma- giciens; mais il punit et punira toujours les scélérats imbéciles qui joignent aux empoisonnements des opérations qu'on appelle magiques. Ainsi il condamna, en 1689, les fameux bergers de Brie qui avaient fait périr par leurs drogues plusieurs bestiaux de leurs voisins. Us avaient joint de l'arsenic à de l'eau bénite et à des conjurations. Ils avaient dit des paroles, mais ces paroles et cette eau bénite n'avaient tué personne. Les uns furent pendus, les autres envoyés aux galères, non comme des magiciens qui donnaient la mort par leur science secrète, mais comme des empoisonneurs.

Le mot de magie signifie sagesse dans son origine. Quelle sagesse aujourd'hui ! {Note de Voltaire.)

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