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ET DE L'HUMANITÉ. oo9

162/(, un arrêt qui défendait, sous peine de mort, d'être d'un avis contraire à celui d'Aristote.

Les inimitiés personnelles n'ont que trop souvent imploré le bras de la justice, et tàclié d'épaissir son bandeau. On sait que les jésuites Coton et Garasse voulurent attaquer au conseil du roi le sage et savant Pasquier, qui avait plaidé contre eux devant le parlement; mais enfin, ne trouvant pas jour h tenter une entre- prise si hardie, Garasse se réduisit à plaider devant le public, et voici le morceau le plus éloquent de son plaidoyer :

« Pasquier est un porte-panier, un maraud de Paris, petit galant boulfon, plaisanteur, petit compagnon, vendeur de sor- nettes, simple regage, qui ne mérite pas d'être le valeton des laquais ; belitre, coquin, qui rote, pète, et rend sa gorge; fort suspect d'hérésie, ou bien hérétique, ou bien pire; un sale et vilain satyre, un archimaître sot par nature, par bécarre, par bémol, sot à la plus haute gamme, sot à triple semelle, sot à double teinture, et teint en cramoisi, sot en toutes sortes de sottises ^ »

S'il ne put prévaloir contre un homme aussi respectable que Pasquier, il réussit mieux à perdre le malheureux Théophile, qui, dans je ne sais quelle pièce de poésie, avait glissé ces trois vers assez peu mordants sur les jésuites :

Cette énorme et noire machine, Dont le souple et le vaste corps Étend ses bras jusqu'à la Chine 2, etc.

Une si légère injure, si c'en est une, ne mérite pas l'accusa- tion d'athéisme que Garasse lui intenta. Ce jésuite, et un de ses confrères nommé Voisin, profitant du crédit de la compagnie, furent à la fois les accusateurs et les sergents qui firent enfermer Théophile dans le cachot de Ravaillac. Ils sollicitèrent violem- ment son supplice pendant une année entière ; mais le crédit de la maison de Montmorency, qui le protégeait, l'emporta sur le crédit de Garasse.

Si la sage loi qui ordonne que l'accusateur risque la même peine que l'accusé, et subisse la même prison, avait été reçue en France, Garasse et son confrère auraient été plus retenus.

D'autres jésuites n'eurent pas la même hardiesse avec le cé- lèbre Fontenehe, qui avait embelli par les grâces de son esprit et

1. Voltaire a aussi rapporté ce passage dans son article Jéslites du Diction- naire philosophique; voyez tome XIX, page 501.

2. Voyez tome XXVI, page 496.

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