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572 PRIX DE LA JUSTICE

Siclicm, eiujourdlmi Naplouse ; lorsqu'ils engagèrent le chef de ce yillage à se circoncire, lui, son fils, et tous les habitants; lorsque, le troisième jour après Topération, la fièvre de suppura- tion abattant les forces de ces nouveaux frères, Siméon et Lévi égorgèrent le chef, toute sa famille, et toute la peuplade, Siméon et Lévi furent sans doute aidés par leurs serviteurs, par leurs esclaves s'ils en avaient. Je dis que ces esclaves étaient aussi cou- pables que les maîtres ; je dis que, quand même les Juifs auraient eu alors un prophète, un pontife, un sanhédrin, c'était un crime exécrable d'obéir à leurs commandements.

Le rapt des Sabines par Romulus aurait-il été moins un bri- gandage liarbare, s'il eût été commis par une délibération du sénat?

La Saint-Barthélémy perdrait-elle aujourd'hui quelque chose de son horreur si, par impossible, le parlement de Paris avait rendu un arrêt par lequel il eût enjoint à tout fidèle catholique de sortir de son lit au son de la cloche, pour aller plonger le poignard dans le cœur de ses voisins, de ses amis, de ses parents, de ses frères, qui allaient au prêche ?

Les misérables gentilshommes nommés les quarante-cinq, qui assassinèrent si lâchement le duc de Guise, auraient-ils été moins coupables s'ils avaient commis cette indignité en vertu d'un arrêt du conseil ?

Non, sans doute : un crime est toujours crime, soit qu'il ait été commandé par un prince dans raveuglement de sa colère, soit qu'il ait été revêtu de patentes scellées de sang-froid avec toutes les formalités possibles. La raison d'État n'est qu'un mot inventé pour servir d'excuses aux tyrans. La vraie raison d'État consiste à vous précautionner contre les crimes de vos ennemis, non pas à en commettre. Il y a même de l'imbécillité à leur ensei- gner à vous détruire en vous imitant.

L'abbé de Caveyrac a beau dire que la Saint-Barthélémy a était une affaire de politique ' », cette politique serait celle de Cerbère et des Furies.

��1. M. de Voltaire s'est trompé : ce n'est point l'abbé de Cave}-rac qui a dii cette sottise: c'est Gabriel Xaudé, dans ses Considérations politiques sur les coups d'État, page 170, édition in-12 de Hollande, 1G67. (K.)

— Cavejrac, page 1 de la Dissertation sur la journée de la Saint-Barthélémy, imprimée à la suite de son Apologie de Louis XIV, etc. (voyez tome XXIX, page 27'2), dit que la Saint-Barthélémy fut une affaire de proscription, et ces termes sont rapportés fidèlement par Voltaire, tome XXVI, pag<i 10, et XXIX, page 272. Voltaire, citant toujours de mémoire, a pu en 1777, à l'âge de quatre- vingt-trois ans, se tromper d'un mot, qui toutefois ne change pas le sens de l'auteur qu'il accuse. •

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