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574 PRIX DE LA JUSTICE

justice peut être comparé à ce superbe crime de Cromwell, c'est le supplice du jeune Conradin*, légitime roi de Naples et de Sicile par la grâce de Dieu, jugé à mort par les Talets en robe de Cbarles d'Anjou, roi de Sicile par la grâce du pape-.

Je ne vous parlerai pas de tant d'autres meurtres commis ailleurs sous une ombre de justice. Nous ne vous demandons un code que pour des peuples policés qui en soient dignes.

ARTICLE XXI.

DES LIBELLES D 1 FF A M ATOIF E S.

Cbez les Romains, famosi Uhelli, les libelles qui attaquaient la renommée étaient des crimes de lèse-majesté quand l'empereur y était outragé. Tribonien fait dire à son empereur Justinien, dans le Digeste, liv. XLVIII, tit. iv: «To» luhricumlinguse ad pœnam facile trahendum est; une parole imprudemment échappée ne doit pas être facilement punie. » On avait auparavant fait parler Théodose avec plus de dignité, et le Code lui attribue des paroles plus mé- morables, liv. IX, tit, VII : « Si c'est légèreté, méprisons ; si c'est folie, ayons-en pitié ; si c'est dessein de nuire, pardonnons ; si ex levitate processerit, contemnendum ; si ex insania, misera! ione dignis- simum ; si ah injuria, remittendum. »

L'empereur Julien le Philosophe avait fait mieux, il avait

��t. Voyez tome XI, page 493.

2. Y a-t-il quelqu'un à qui l'on puisse apprendre que Conradin était né roi des Deux-Siciles, par son père Conrad, et par son aïeul le grand empereur Fré- déric II ? Qui ne sait que ce jeune prince, l'espoir de l'Allemagne, destiné à l'em- pire, eut le courage, à l'âge de seize ans, de venir combattre pour son héritage des Deux-Siciles, que les papes avaient donné à Charles d'Anjou? On sait assez que Conradin fut invité par ses sujets et par les Romains à remonter sur son trône. Il aborda dans sa patrie avec Frédéric, duc d'Autriche, son cousin germain, son frère d'armes, dont l'amitié fut longtemps aussi célèbre en Italie que celle de Pylade pour Oreste en Gi'èce. Tous deux étaient secondés par Henri, frère du roi de Castille, et par une foule de chevaliers castillans. Les musulmans vinrent se ranger sous ses drapeaux, ainsi que les chrétiens. Cette florissante armée fut détruite par un stratagème. Conradin et son brave ami furent livrés à Charles d'Anjou. Ce prince, qui s'était fait vassal du pape, consulta Clément IV, son sei- gneur suzerain, pour savoir comment il traiterait ses deux captifs. La vie de Conradin est la mort de Charles, répondit le pontife. Charles, en conséquence, fit juger le roi des Deux-Siciles et le duc d'Autriche comme des criminels de lèse- majesté divine et humaine. Le bourreau leur trancha la tète dans la place publique, et Conradin mourut en baisant la tète du duc d'Autriche. Nous n'avons point les lettres par lesquelles saint Louis, frère du duc d'Anjou, reprocha sans doute à son frère un crime si cruel et si lâche. {IS'ote de Voltaire.)

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