Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome30.djvu/94

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mois depuis la sortie d’égypte, les enfans d’Israël vinrent dans le désert de Sinaï ; et Mosé monta vers Dieu, et Dieu l’appella du haut de la montagne, et Dieu lui dit : va-t-en dire aux enfans d’Israël, si vous écoutez ma voix et si vous observez mon pacte vous serez mon peuple particulier par-dessus les autres peuples... je viendrai donc à toi dans une nuée épaisse, afin que ce peuple m’entende parlant à toi, et qu’il te croie à jamais. Va donc vers ce peuple, et qu’aujourd’hui et demain il lave ses vêtemens. Et lorsqu’ils seront prêts pour le troisieme jour, Dieu descendra en présence de tout le peuple sur le mont de Sinaï. Et tu diras au peuple : gardez-vous de monter sur la montagne, et de toucher même au pied de la montagne, quiconque touchera la montagne mourra de mort... le troisieme jour étant arrivé, voilà qu’on entendit des tonnerres, que les éclairs brillerent, que la trompette fit un bruit épouvantable ; et le peuple fut épouvanté, et Mosé parlait à Dieu, et Dieu lui répondait, et Mosé étant descendu vers le peuple lui raconta tout, et Dieu parla de cette maniere. [1]

  1. nos critiques remarquent d’abord que la bataille d’Amalec ne fut d’aucune utilité aux juifs, et qu’il semble que cette bataille, dont ils doutent, ne soit rapportée dans l’exode que pour inspirer de la haine contre les amalécites, qui furent leurs ennemis du temps des rois. Ils fondent leurs sentimens sur ce que Dieu même, en parlant à Mosé, ne lui dit pas un mot de ce prétendu combat, et qu’il ne lui parle que de ce qu’il a fait aux égyptiens. On lui fait proposer, disent-ils, les conditions de son pacte avec les hébreux, de la même maniere que les hommes font entr’eux des alliances. On fait descendre Dieu au son des trompettes, comme si Dieu avait des trompettes. On fait parler Dieu comme on ferait parler un crieur d’arrêts. Et il faut supposer que Dieu parlait égyptien ; puisque les hébreux ne parlaient pas d’autre langue, et qu’il est dit dans le pseaume quatre-vingt, que les juifs furent étonnés de ne point entendre la langue qu’on parlait au-delà de la mer Rouge. Toland assure, qu’il est visible que tous ces livres ne furent écrits que longtemps après par quelque prêtre oisif, comme il y en a tant eu, dit-il, parmi nous au douzieme, treizieme, et quatorzieme siecle ; et qu’il ne faut pas ajouter plus de foi au pentateuque qu’aux livres des sibylles, qui furent regardés comme sacrés pendant des siecles. Tous ces blasphêmes font horreur à toute ame persuadée et timorée. Il n’est pas plus surprenant que Dieu ait parlé sur le mont Sinaï au son des trompettes, qu’il ne l’est d’ouvrir la mer Rouge pour faire enfuir son peuple, et pour submerger toute l’armée égyptienne. Si on nie un prodige, on est forcé de les nier tous. Or il n’est pas possible, selon les commentateurs les plus accrédités, que tous ces livres ne soient qu’un tissu de mensonges grossiers. Il est vrai que les premieres histoires théologiques des bracmanes, des prêtres de Zoroastre, de ceux d’Isis, de ceux de Vesta, ne sont que des recueils de fables absurdes ; mais il ne faut pas juger des livres hébreux comme des autres. On a beau dire que si le pentateuque fut écrit dans le désert il ne pouvait l’être qu’en égyptien, et que les hébreux n’étant point encore entrés dans le pays des cananéens, ils ne purent savoir la langue de ces peuples, qui fut depuis la langue hébraïque. En quelque langue que Mosé ou Moïse ait écrit dans le désert, il est aisé de supposer