Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome31.djvu/117

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milles pour enrichir l’Église ; serai-je assez lâche pour tromper leurs descendants, ou assez barbare pour les persécuter ? Je suis homme avant d’être ecclésiastique ; examinons devant Dieu ce que la raison et l’humanité m’ordonnent. Si je soutenais des dogmes qui outragent la raison, ce serait dans moi une démence affreuse ; si, pour faire triompher ces dogmes absurdes, que je ne puis croire, j’employais la voie de l’autorité, je serais un détestable tyran. Jouissons donc des richesses qui ne nous ont rien coûté, ne trompons et ne molestons personne. Maintenant je suppose que des laïques et des ecclésiastiques bien instruits des erreurs énormes sur lesquelles nos dogmes ont été fondés, et de cette foule de crimes abominables qui en ont été la suite, veuillent s’unir ensemble, s’adresser à Dieu, et vivre saintement : comment devraient-ils s’y prendre ?


Chapitre XXIII. Que la tolérance est le principal remède contre le fanatisme.

A quoi servirait ce. que nous venons d’écrire, si on n’en retirait que la connaissance stérile des faits, si on ne guérissait pas au moins quelques lecteurs de la gangrène du fanatisme ? Que nous reviendrait-il d’avoir fouillé dans les anciens cloaques d’un petit peuple qui infectait autrefois un coin de la Syrie, et d’en avoir exposé les ordures au grand jour ?

Que résultera-t-il de la naissance et du progrès d’une superstition si obscure et si fatale[1], dont nous avons fait une histoire fidèle ? Voici évidemment le fruit qu’on peut recueillir de cette étude :

C’est qu’après tant de querelles sanglantes pour des dogmes inintelligibles, on quitte tous ces dogmes fantastiques et affreux pour la morale universelle, qui seule est la vraie religion et la vraie philosophie. Si les hommes s’étaient battus pendant des siècles pour la quadrature du cercle et pour le mouvement perpétuel, il est certain qu’il faudrait renoncer à ces recherches absurdes, et s’en tenir aux véritables mécaniques, dont l’avantage se fait sentir aux plus ignorants comme aux plus savants.

  1. Toutes les éditions portent: « Que résultera-t-il de la naissance et du progrès d’une superstition, etc. » Beuchot a cru devoir corriger ainsi: « Que résultera-t-il de la connaissance de l’origine et des progrès, etc. »