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AVERTISSEMENT
DE BEUCHOT.

En 1760, le poëte P.-D.-E. Lebrun avait recommandé à Voltaire Mlle Corneille, qu’il croyait une descendante du père du théâtre français. « Il convient assez, répondit Voltaire[1], qu’un vieux soldat du grand Corneille tâche d’être utile à la petite-fille[2] de son général ; » et après l’avoir accueillie à Ferney, après lui avoir donné une rente de 1,500 livres, il pensa à l’établir, et lui fit une dot de 20,000 livres. « Mais, comme le dit Condorcet[3], il porta la délicatesse jusqu’à ne pas souffrir que l’établissement de Mlle Corneille parût un de ses bienfaits. Il entreprit une édition du théâtre de Pierre Corneille, avec des notes, et se mit sur-le-champ à l’ouvrage.

Dans son empressement d’être utile à Mlle Corneille, il commença son travail sur le seul volume qu’il put trouver dans le pays[4] d’une petite édition donnée, en 1644, par Pierre Corneille. Ce ne fut qu’en septembre 1761 qu’il parvint à se procurer l’édition in-folio de 1664. Au reste, comme il le dit lui-même[5], il ne pouvait, pour le Cid, se servir de cette dernière édition, parce qu’il devait mettre sous les yeux la pièce que l’Académie jugea quand elle prononça entre Corneille et Scudéri.

L’impression fut commencée le 31 janvier 1762[6], et il y avait la moitié de l’ouvrage d’imprimée en novembre de la même année, lorsque Voltaire suspendit son travail pour achever son Histoire de Russie sous Pierre le Grand[7], dont le second volume vit en effet le jour en 1763. Mais il y eut peut-être d’autres causes de cette interruption. Rejetant à une autre place les premières pièces de Corneille, il commença son édition par Médée, « la première pièce dans laquelle on trouve quelque goût de l’antiquité[8] », et qui

  1. Voyez, dans la Correspondance, la lettre à Lebrun, du 7 septembre 1760.
  2. Mlle Corneille était fille de Jean-François Corneille, dont l’aïeul, appelé aussi Pierre Corneille, était oncle du grand Corneille.
  3. Dans sa Vie de Voltaire, tome Ier de la présente édition.
  4. Lettre à Duclos du 12 juillet 1761 ; voyez aussi page 481 du présent volume.
  5. Lettre à Duclos, du 25 décembre 1761.
  6. Lettre à d’Argental, du 1er février 1762.
  7. Lettre à d’Olivet, du 4 novembre 1762.
  8. Préface du commentateur ; voyez page 183 du présent volume.