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REMARQUES SUR LE CID

TltAGÉniE REPnÉSE\TÉF, E\ 1C3G.

��PRÉFACE DU COMxMENTATEUR.

Lorsque Corneille donna le Ciel, les Espagnols avaient sur tous les théâtres de l'Europe la même influence que dans les affaires publiques; leur goût dominait, ainsi que leur politique; et même en Italie, leurs comédies ou leurs tragi-comédies obtenaient la pré- férence chez une nation qui avait VAminteeX le Pastor fido,ei qui, étant la première qui eût cultivé les arts, semblait plutôt faite pour donner des lois à la littérature que pour en recevoir.

Il est vrai que dans presque toutes ces tragédies espagnoles il y avait toujours quelques scènes de bouffonneries. Cet usage infecta l'Angleterre. Il n'y a guère de tragédie de Shakespeare où l'on ne trouve des plaisanteries d'hommes grossiers à côté du sublime des héros ^ A quoi attribuer une mode si extravagante et si honteuse pour l'esprit humain qu'à la coutume des princes mêmes, qui entretenaient toujours des bouffons auprès d'eux? coutume digne de barbares qui sentaient le besoin des plaisirs de l'esprit, et qui étaient incapables d'en avoir; coutume même qui a duré jusqu'à nos temps, lorsqu'on en reconnaissait la tur- pitude. Jamais ce vice n'avilit la scène française : il se glissa seulement dans nos premiers opéras, qui, n'étant pas des ouvrages réguliers, semblaient permettre cette indécence ; mais bientôt l'élégant Quinault purgea l'opéra de cette bassesse.

Quoi qu'il en soit, on se piquait alors de savoir l'espagnol, comme on se fait honneur aujourd'hui de parler français. C'était la langue des cours de Vienne, de Bavière, de Bruxelles, de Naples, et de Milan; la Ligue l'avait introduite en France, et le mariage de Louis XIII avec la fille de Philippe III avait tellement misl'es-

1. On voit que Voltaire tient toujours à montrer aux admirateurs du théâtre anglais qu'imiter Shakespeare, c'est revenir à la barbarie. (G. A.)

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