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320 REMARQUES SUR CINNA.

de Brutus dans la passion de la Iil)orté. A cette heure il va bien plus loin : tan- tôt il la nomme la possédée du démon de la république, et (juchjuefois la belle, la raisonnable, la sainte^ et l'adorable furie. Voilà d'étrani^'es paroles sur le sujet de votre Romaine, mais elles ne sont pas sans fondement. Elle inspire en effet toute la conjuration, et donne chaleur au parti par le feu qu'elle jette dans l'âme du chef. Ell'e entreprend, en se vengeant -, de venger toute la terre : elle veut sacrifier à son père une victime qui serait trop grande pour Jupiter même. C'est à mon gré une personne si excellente que je pense dire peu à son avantage de dire que vous êtes beaucoup plus heureux en votre race que Pompée n'a été en la sienne, et que votre fille Emilie vaut, sans comparaison, davantage que Cinna son petit-fils. Si celui-ci même a plus de vertu que n'a cru Sénèque, c'est pour être tombé entre vos mains et à cause que vous avez pris soin de lui. Il vous est obligé de son mérite, comme à Auguste de sa dignité. L'empereur le fit consul, et vous l'avez fait honnête hoinme^; mais vous l'avez pu faire par les lois d'un art qui polit et orne la vérité, qui permet de favoriser en imitant, qui quelquefois se propose le semblable, et quelquefois le meilleur. J'en dirais trop si j'en disais davantage. Je ne veux pas commencer une disser- tation, je veux finir une lettre, et conclure par les protestations ordinaires, mais très-sincères et très-véritables, que je suis.

Monsieur,

Votre très-humble serviteur, BALZAC.

��ACTE PREMIER. SCÈNE I.

li M I L I E .

Plusieui's actrices ont supprimé ce monologue dans les repré-' sentations. Le public même paraissait souliaiter ce retranchement.

1. Voilà une plaisante épithète que celle de sainte donnée par ce docteur à Emilie. [Note de Voltaire.)

2. Il paraît qu'en effet Emilie était regardée comme le premier personnage do la pièce, et que dans les commencements on n'imaginait lias que l'intérêt pût tomber sur Auguste. ( Id.)

3. C'est donc Cinna qu'on regardait comme l'honnête homme de la pièce, parce qu'il avait voulu venger la liberté publique. En ce cas, il fallait qu'on ne regardât la clémence d'Auguste que comme un trait de politique conseillé par Livie.

Dans les premiers mouvements des esprits émus par un poëme tel que Cinna, on est frappé et ébloui de la beauté des détails; on est longtemps sans former un jugement précis sur le fond de l'ouvrage. ( Id.)

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