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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome31.djvu/381

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Ce qui est étonnant, c’est que tous ces chefs-d’œuvre se suivaient d’année en année. Cinna fut joué au commencement de 1643, et Polyeucte à la fin 1. Il est vrai que Lope de Vega, Garnier, Calderon, composaient encore plus vite, stantes pede in uno 2 ; mais quand on ne s’asservit à aucune règle, qu’on n’est gêné ni par la rime, ni par la conduite, ni par aucune bienséance, il est plus aisé de faire dix tragédies que de faire Cinna et Polyeucte.

ÉPITRE DÉDICATOIRE

A LA REINE RÉGENTE.

Permettez… que je m'écrie dans mon transport :

Que vos soins, grande reine, enfantent de miracles ! etc.

Corneille n’était pas fait pour les sonnets et pour les madrigaux. Il aurait mieux fait de ne se point écrier dans son transport. Les vers que Voiture fit cette année-là même pour la reine, en sa présence, sont dans un autre goût et un peu meilleurs :

Mais que vous étiez plus heureuse
Lorsque vous étiez autrefois,
Je ne veux pas dire amoureuse,
La rime le dit toutefois !

C’est un assez plaisant contraste que Voiture loue la reine d’avoir été un peu galante, et que Corneille fasse l’éloge de sa dévotion.

ACTE PREMIER.

SCÈNE I.

Vers ^. Quoi! vous vous arrêtez aux songes d’une femme! De si foibles sujets troublent cette grande âme !

1. Cinna est de 1639; Polyeucte, de 1640.

2. Horace, livre F, s;«t. iv, vers 10.