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470 REMARQUES SUR POMPÉE.

��ACTE CINQUIEME.

SCÈNE I.

Par quel art une scène inutile est-elle si belle? Cornélie a déjà (lit sur la mort de Pompée tout ce qu'elle devait dire. Que les cendres de Pompée soient enfermées dans une urne ou non, c'est une chose absolument indifférente à la construction de la pièce : cette urne ne fait ni le nœud ni le dénoûment. Retran- chez cette scène, la tragédie (si c'en est une) marche tout de même ; mais Cornélie dit de si belles choses, Philippe fait parler César d'une manière si noble, le nom seul de Pompée fait une telle impression, que cette scène même soutient le cinquième acte, qui est assez languissant. Gequi, dans les règles sévères de la tragédie, est un véritable défaut, devient ici une beauté frap- pante par les détails, par les beaux vers.

Vers 1. Mes yeux, puis-jo vous croire, et n'est-ce point un songe Qui sur mes tristes vœux a formé ce mensonge?

Il est triste, dans notre poésie, que son(je fasse toujours atten- dre la rime de mcnsonyo. Un mensonge formé sur des vœux n'est pas intelligible, n'est pas français.

Vers 6. vous! à ma douleur objet terrible et tendre M

Tendre a ma douleur ne peut se dire, et cependant ce vers est beau : c'est qu'il est plein de sentiment, c'est qu'il est composé, comme les bons vers doivent l'être, d'un assemblage harmonieux de consonnes et de voyelles. Ce morceau, qui est un peu de dé- clamation, serait déplacé dans le premier moment où Cornélie apprend la mort de son époux ; mais après les premiers trans- ports de la douleur, on peut donner plus de liberté à ses senti- ments. Peut-être ne devrait-elle pas dire ma divinité seule, etc.; car est-ce à une femme vertueuse à blasphémer les dieux ?

Garnier, du temps de Henri III, fit paraître Cornélie tenant en main l'urne de Pompée-, Elle dit :

douce et chère cendre I ô cendre déjjlorable! Qu'avecque vous ne suis-je, ô femme misérable !

C'est la même idée, mais elle est grossièrement rendue dans

1. Sur ce vers voyez aussi tome XIX, page -20. '2. Dans la tragédie de ce nom, jouée en 1G02.

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