Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome31.djvu/97

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Quand l’imprimerie fut enfin connue en Europe, les moines d’Italie, d’Espagne, de France, d’Allemagne, et les nôtres, firent à l’envi imprimer toutes ces absurdités, qui déshonorent la nature humaine. Cet excès révolta la moitié de l’Europe ; mais l’autre moitié resta toujours asservie. Elle l’est au point que dans la France, notre voisine, où la saine critique s’est établie, Fleury, qui d’ailleurs a soutenu les libertés de son Église gallicane, a trahi le sens commun jusqu’à tenir registre de toutes ces sottises dans son Histoire ecclésiastique. Il n’a pas honte de rapporter l’interrogatoire de saint Taraque par le gouverneur Maxime, dans la ville de Mopsueste. Maxime fait mettre du vinaigre, du sel et de la moutarde, dans le nez de saint Taraque, pour le contraindre à dire la vérité. Taraque lui déclare que son vinaigre est de l’huile, et que sa moutarde est du miel. Le même Fleury copie les légendaires qui imputent aux magistrats romains d’avoir condamné au b... les vierges chrétiennes, tandis que ces magistrats punissaient si sévèrement les vestales impudiques. En voilà trop sur ces inepties honteuses. Voyons maintenant comment, après la persécution de Dioclétien, Constantin fit asseoir la secte chrétienne sur les degrés de son trône.


Chapitre XV. De Constance Chlore, ou le pâle, et de l’abdication de Dioclétien.

Constance le Pâle avait été déclaré césar par Dioclétien. C’était un soldat de fortune, comme Galérius, Maximien-Hercule, et Dioclétien lui-même ; mais il était allié par sa mère à la famille de l’empereur Claude. L’empereur Dioclétien lui donna une partie de l’Italie, l’Espagne, et principalement les Gaules, à gouverner. Il fut regardé comme un très bon prince. Les chrétiens ne furent presque point molestés dans son département. Il est dit qu’ils lui prêtèrent des sommes immenses ; et cette politique fut le fondement de leur grandeur.

Dioclétien, qui créait tant de césars, était comme le dieu de Platon, qui commande à d’autres dieux. Il conserva sur eux un empire absolu jusqu’au moment à jamais fameux de son abdication, dont le motif fut très équivoque.

Il avait fait Maximien-Hercule son collègue à l’empire, dès l’année de notre ère 281. Ce Maximien adopta Constance le Pâle, l’an 293. Mais tous ces princes obéissaient à Dioclétien comme à