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4 REMARQUES SUR RÉRACL1US.

On trouve souvent dans Corneille de ces maximes vagues et de ces lieux communs, où le poëte se met à la place du person- nage. S'il j a dans Racine quelque passage qui ressemble audébul de Phocas, c'est celui d'Agamemnon dans Iphigènie :

Heureux qui, satisfait de son humble fortune,

Libre du joug superbe où je suis attaché,

Vit dans l'état obscur où les dieux l'ont caché!

Mais que cette réflexion est pleine de sentiment! qu'elle est belle! qu'elle est éloignée de la déclamation!

Au contraire, les premiers vers de Phocas paraissent une am- plification ; les vers en sont négligés. Ce sont les faux brillants qui environnent une couronne; c'est celui dontle ciel a fait choix pour un sceptre, et qui en ignore le poids ; ce sont mille et mille douceurs qui sont un amas d'amertumes cachées.

J'ajouterai encore que cette déclamation conviendrait peut- être mieux à un bon roi qu a un tyran et à un meurtrier qui règne depuis longtemps, et qui doit être très-accoutumé aux dangers d'une grandeur acquise par les crimes, et à ces amer- tumes cachées sous mille douceurs.

Vers 3. Et celui dont le ciel pour un sceptre a fait choix, Jusqu'à ce qu'il le porte, en ignore le poids.

Jusqu'à ce qu'il le porte; on doit, autant qu'on le peut, éviter ces cacophonies. Elles sont si désagréables à l'oreille qu'on doit même y avoir une grande attention dans la prose. Que sera-ce donc dans la poésie ? Tout y doit être coulant et harmonieux.

Vers 5. Mille et mille douceurs y semblent attachées, Qui ne sont qu'un amas d'amertumes cachées : Qui croit les posséder les sent s'évanouir.

Si ces douceurs sont des amertumes, comment se plaint-on de les sentir s'évanouir? Quand on veut examiner les vers fran- çais avec des yeux attentifs et sévères, on est étonné des fautes qu'on y trouve.

Vers 5. Surtout qui, comme moi, d'une obscure naissance, Monte par la révolte à la toute-puissance; Qui de simple soldat à l'empire élevé, Ne l'a que par le crime acquis et conservé; Autant que sa fureur s'est immolé de têtes, Autant dessus la sienne il croit voir de tempêtes.

Cette phrase n'est pas correcte, qui comme moi s'est élevé au trône, il croit voir des tempêtes; cet il est une faute, surtout quand ce qui comme est si éloigné.

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