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ACTE II, SCÈNE I. 15g

SCÈNE VI.

Cette scène parait la plus mauvaise de toutes, parce qu'elle détruit le grand intérêt de la pièce ; et cet intérêt est détruit parce que le malheur et le danger public dont il s'agit ne sont présentés qu'en épisodes, et comme une affaire presque oubliée : c'est qu'il n'a été question jusqu'ici que du mariage deDircé; c'est qu'au lieu de ce tableau si grand et si touchant de Sophocle, c'est un confident qui vient apporter froidement des nouvelles ; c'est qu'OEdipc cherche une raison du courroux du ciel, laquelle n'est pas la vraie raison; c'est qu'enfin, dans ce premier acte de tragé- die, il n'y a pas quatre vers tragiques, pas quatre vers bien faits.

ACTE DEUXIÈME.

SCÈNE I.

Toutes les fois que dans un sujet pathétique et terrible, fondé sur ce que la religion a de plus auguste et de plus effrayant, vous introduisez un intérêt d'État, cet intérêt, si puissant ailleurs, devient alors petit et faible. Si au milieu d'un intérêt d'État, d'une conspiration, ou d'une grande intrigue politique qui attache l'âme, supposé qu'une intrigue politique puisse attacher ; si, dis-jc, vous faites entrer la terreur et le sublime tiré de la reli- gion ou de la fable dans ces sujets, ce sublime déplacé perd toute sa grandeur, et n'est plus qu'une froide déclamation. Il ne faut jamais détourner l'esprit du but principal. Si vous traite/ Iphi- gènie, ou Electre, ou Pèlopèe, n'y mêlez point de petite intrigue de cour. Si votre sujet est un intérêt d'État, un droit au trône dis- puté, une conjuration découverte, n'allez pas y mêler les dieux, les autels, les oracles, les sacrifices, les prophéties : Non erat his locus l .

S'agit-il de la guerre et de la paix : raisonnez. S'agit-il de ces horribles infortunes que la destinée ou la vengeance céleste en- voient sur la terre : effrayez, touchez, pénétrez. Peignez-vous un amour malheureux : faites répandre des larmes. Ici Dircé brave Œdipe, et l'avilit-: défaut trop ordinaire de toutes nos anciennes

1. Horace, Art poétique, 19.

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