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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome32.djvu/305

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REMARQUES SUR PULCIIÉRIE. 298

Mais que dirons-nous de ce vieux Martian, amoureux de [a vieille Pulchérie 1 ? Cette impératrice entame avec lui une plai- sante conversation au cinquième acte :

On m'a dit que pour moi vous aviez do l'amour ; Seigneur, seroit-il vrai?

MARTIAN.

Qui vous l'a dit, madame?

PULCIIÉRIE .

Vos services, mes yeux...

A quoi le bonhomme répond « qu'il s'est tu après s'être rendu, qu'en effet il languit, il soupire, mais qu'enfin la langueur qu'on voit sur son visage est encore plus l'effet de l'amour que de l'âge».

J'aime encore mieux je ne sais quelle farce dans laquelle un vieillard est saisi d'une toux violente devant sa maîtresse, et lui dit : Mademoiselle, c'est d'amour que je tousse.

J'avoue, sans balancer, que les Pradon, les Bonnecorse, les Coras, les Danchet, n'ont rien fait de si plat et de si ridicule que toutes ces dernières pièces de Corneille. Mais je n'ai dû le dire qu'après l'avoir prouvé.

Corneille se plaint, dans une de ses épîtres, des succès de son rival; il finit par dire :

Et la seule tendresse est toujours à la mode.

Oui, la seule tendresse de Racine, la tendresse vraie, tou- chante, exprimée dans un style égal à celui du quatrième livre de Virgile, et non pas la tendresse fausse et froide, mal exprimée. Ce que peu de gens ont remarqué, c'est que Racine, en trai- tant toujours l'amour, a parfaitement observé ce précepte de Despréaux :

Qu'Achille aime autrement que Tyrcis et Philène 2 , Et que l'amour, souvent de remords combattu, Paroisse une foiblesse, et non une vertu.

��1. « Pourquoi toujours cette vieille Pulchérie, dit Palissot, si, comme Voltaire en convient, il est permis aux poètes de changer l'histoire ? Corneille n'a-t-il pas été le maître de rajeunir cette princesse ? A-t-on reproché à Voltaire d'avoir repré- senté beaucoup plus jeunes qu'elles ne pouvaient l'être, Jocaste dans OEdipe, et Sémiramis dans la tragédie de ce nom ? etc. » Palissot oublie que Jocaste et Sémi- ramis, toutes rajeunies qu'elles sont, ne soupirent pas comme Pulchérie, qui n'en paraît que plus vieille. (G. A.)

2. Art poétique, III, 99-101.

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