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ACTE II, SCÈNE II. 25

lement qu'Héracli us sache autre chose que son nom. Ce caractère

n'est pas ordinaire : il excite une grande curiosité ; mais, encore une fois, il rend le prince petit. On est secrètement blessé que le héros de la pièce soit inutile, et qu'une gouvernante, qui n'esl ici qu'une intrigante, veuille tout faire par vanité.

Vers 45. 11 dispose les cœurs à prendre un nouveau maître, Et presse Héraclius de se faire connoitre. C'est à nous de répondre à ce qu'il en prétend.

Cet en prétend tombe sur Héraclius. Mais ce que Dieu en pré- tend n'est pas supportable. Ce n'est pas ainsi qu'on parle de Dieu; ce n'est pas ainsi que Racine s'exprime dans Athalie.

Vers 71. Seigneur, si votre amour peut écouter mes pleurs...

On écoute des soupirs, on n'écoute point des pleurs, on les voit.

Vers 72. Ne vous exposez point au dernier des malheurs. La mort de ce tyran, quoique trop légitime, Aura dedans vos mains l'image d'un grand crime.

Dernier des malheurs est faible. Trop légitime; ce trop est de trop. Dedans vos mains; il faut dans 1 .

Vers 84. Vous en êtes aussi, madame, et je me rends.

Vous en êtes aussi ; c'est une de ces expressions de comédie qu'on est obligé de relever si souvent, mais en ajoutant toujours que c'était le défaut du temps. Si cette expression n'est pas élevée, le fond du discours d'Héraclius ne l'est pas davantage : il ne prend aucune mesure, et ne dit rien de grand ; il se borne à ne pas faire éclat d'un secret, sans le congé de sa gouvernante. Son compliment aux yeux tout divins d'Eudoxe, la protestation qu'il n'aspire au trône que par la seule soif d en faire part à Eudoxe, sont une froide galanterie, telle que celle de César avec Cléopâtre. Ce n'est pas là une passion tragique, c'est parler d'amour comme on en parlait dans la simple comédie, et d'une manière moins élégante, moins fine qu'aujourd'hui. Corneille a mis de l'amour dans toutes ses pièces ; mais on a déjà remarqué que cet amour n'a jamais été intéressant que dans le Cid, et attachant que dans Polyeuctc : c'est de tous les sentiments le plus froid et le plus petit, quand il n'est pas le plus violent.

Je ne sais si on peut citer l'opinion de Rousseau comme une

1. Voyez tome XXXI, pages 213, 308 et 482.

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