Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome32.djvu/374

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vaise tragédie ; c’est le vice du sujet, c’est le vice de la diction et des sentiments, c’est le ridicule de la prostitution.

Il y a manifestement deux intrigues dans l’Andromaque de Racine : celle d’Hermione, aimée d’Oreste et dédaignée de Pyrrhus ; celle d’Andromaque, qui voudrait sauver son fils et être fidèle aux mânes d’Hector. Mais ces deux intérêts, ces deux plans sont si heureusement rejoints ensemble que, si la pièce n’était pas un peu affaiblie par quelques scènes de coquetterie et d’amour, plus dignes de Térence que de Sophocle, elle serait la première tragédie du théâtre français.

Nous avons déjà dit[1] que dans la Mort de Pompée il y a trois à quatre actions, trois à quatre espèces d’intrigues mal réunies. Mais ce défaut est peu de chose, en comparaison des autres qui rendent cette tragédie trop irrégulière. Le célèbre Caton d’Addison pêche par la multiplicité des actions et des intrigues, mais encore plus par l’insipidité des froids amours, et d’une conspiration en masque. Sans cela Addison aurait pu, par l’éloquence de son style noble et sage, réformer le théâtre anglais.

Corneille a raison de dire qu’il ne doit y avoir qu’une action complète. Nous doutons qu’on ne puisse y parvenir que par plusieurs autres actions imparfaites. Il nous semble qu’une seule action sans aucun épisode, à peu près comme dans Athalie, serait la perfection de l’art.

Il y a grande différence [dit Aristote] entre les événements qui viennent les uns après les autres, et ceux qui viennent les uns à cause des autres.

Cette maxime d’Aristote marque un esprit juste, profond et clair. Ce ne sont pas là des sophismes et des chimères à la Platon. Ce ne sont pas là des idées archétypes.

La liaison des scènes… est un grand ornement dans un poëme.

Cet ornement de la tragédie est devenu une règle, parce qu’on a senti combien il était devenu nécessaire.

Je n’ai pas besoin de contredire Aristote pour me justifier sur cet article [le char de Médée].

Que devons-nous dire de tout ce morceau précédent ? Applaudir au bon sens de Corneille autant qu’à ses grands talents.

Aristote n’en prescrit point le nombre [des actes] ; Horace le borne à cinq, etc.

  1. Préface d’Œdipe, de 1760 ; et tome XXXI, pages 455, 478.