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614 APPENDICE.

que de ce nombre il y en a 1 2 dont 6 se joignent à 6 de leurs voisins pour faire entre les douze 6 charrues complètes.

Au village de Cegny, on compte dix charrues de moins que ci-devant.

Au village de Cessy il y avait 24 charrues, et à présent il n'y en a que 4 0, etc., etc.

On voil dans tout le pays, parmi les laboureurs et dans tous les villages, la même diminution, et tandis que les terres incultes augmentent et sur- chargent d'impôts celles qui sont cultivées, le nombre des habitants diminue dans la même proportion, parce qu'ils sont contraints d'aller chercher ail- leurs les moyens de subsister, et ce mal va toujours et doit nécessairement aller en augmentant, parce que toutes les charges des terres incultes et des habitants qui manquent retombent sur les terres cultivées et sur le peu d'habitants qui restent.

Le but des défenses est de procurer l'abondance du blé dans le royaume, en gênant l'exportation, et de prévenir la disette; mais le passé justifie que par ce moyen on est allé à fin contraire.

Premièrement, les défenses n'ont pas empêché qu'il ne sortît la même quantité de blé du royaume. L'unique effet des défenses a été de faire hausser le prix du blé dans Genève, et l'augmentation du prix y a attiré du blé de France : la même quantité qu'on y versait avant les défenses.

Toute la différence est qu'au lieu d'y arriver par le chemin le plus court, qui est le pays de Gex, il y est arrivé par la Suisse, et plus souvent par la Savoie.

Ainsi l'augmentation du prix du blé dans Genève a tourné au profit de l'étranger, qui s'y porte sans risques, et n'a servi qu'à précipiter la ruine du cultivateur français, parce que, s'il a voulu profiter lui-même de cette augmentation, il s'est exposé aux peines portées par les défenses, et, une fois surpris, il s'est trouvé ruiné tout d'un coup. Si au contraire il a été plus timide, obligé de passer par les mains de ceux qui font métier de cette contrebande, il a trouvé sa ruine également, mais par une voie plus insen- sible et plus lente.

Il y a plus : dans les temps d'abondance, les défenses portent préjudice aux cultivateurs, et ne sont d'aucune utilité aux autres habitants du pays de Gex; mais dans les temps de disette, elles nuisent également aux uns et aux autres, parce qu'alors tous manquent également de blé, et ils sont souvent privés du secours de celui qui leur viendrait naturellement de la Franche- Comté ou de la Bresse, en venant à Genève, et qu'ils pourraient acheter sur la route, au lieu que ces blés, prenant une route détournée par la Savoie ou par la Suisse pour arriver à Genève, les marchés de Gex et de Collonges se trouvent si peu fournis que les habitants du pays de Gex sont forcés de venir acheter le blé dont ils ont besoin à Genève, et de payer l'augmentation du prix occasionnée par les défenses. C'est ce qui arriva dans les mois de mai et de juin 4747, 1748 et 1749, temps auxquels les blés manquaient dans les mar- chés de Gex et de Collonges, tandis que celui de Genève en était assez suffisamment garni pour permettre aux habitants du pays de Gex de s'y venir pourvoir.

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