Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome33.djvu/106

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
88
CORRESPONDANCE.


82. — À MADAME LA PRÉSIDENTE DE BERNIÈRES[1].

Paris, …mai.

Comme je ne veux pas perdre de temps dans le dessein que j’ai de réparer ma mauvaise fortune par les agréments d’une vie douce et tranquille, je reviendrai à la Rivière incessamment ; j’y retrouverai dans votre amitié et dans celle de Thieriot des plaisirs qu’un peu plus de fortune ne m’aurait jamais donnés. Je ne sais encore aucune nouvelle qui soit bien intéressante : si vous voulez, je vous dirai qu’un nommé Charier a été pendu hier, après sa mort. M, de Saint-Aubin, maître des requêtes, à qui il avait prêté de l’argent pour des billets, l’avait fait remettre depuis peu au Fort-l’Évêque. Cet homme, enragé de se voir en prison si mal à propos, prit un gros manche à balai et en donna cent coups à tous ses guichetiers. Ces messieurs se défendirent avec des armes à feu, et le tuèrent à coups de fusil. On l’a condamné après sa mort à être pendu par les pieds pour avoir fait rébellion à justice.

J’apprends dans le moment que le maréchal de Berwick est impliqué dans l’affaire de La Jonchère[2] : tout le monde regarde déjà Le Blanc comme un homme perdu ; pour moi, je doute encore des suites de son aventure : il est trop malhonnête homme pour n’avoir pas de fortes ressources.

J’ai vu aujourd’hui Inès de Castro[3], que bien des gens condamnent, et voient pourtant avec plaisir. Baron n’a jamais si bien joué. Son destin est de faire réussir de mauvais ouvrages. On joue Inès deux fois la semaine, et tout y est plein jusqu’au cintre.

Adieu. Présentez mes respects à M. et à Mme de Lézeau, s’ils sont à la Rivière, et ayez toujours bien de la bonté pour moi. — Ce samedi soir.



83. — À MADAME LA PRÉSIDENTE DE BERNIÈRES.
Paris, …juin

Pour première nouvelle, je vous dirai que j’ai été malade, et que j’en suis d’autant plus fâché que cela retarde mes affaires,

  1. Éditeurs, de Cayrol et François.
  2. Trésorier de l’extraordinaire des guerres, enveloppé dans la disgrâce du ministre de la guerre Le Blanc, qu’on accusait faussement de malversations. Voltaire détestait Le Blanc, qui avait protégé Beauregard contre ses poursuites. (G. A.)
  3. Tragédie de Lamotte-Houdard ; voyez la note suivante.